Le livret gris



Il avait sur son cœur
Un petit livret gris
Contenant quelques fleurs
Une photo jaunie


Sa chemise entrouverte d’où s’échappait encore
Un joli ruban rouge et sa chaînette d’or
Il dormait sous la lune dont la pâle blancheur
Jetait des ombres douces sur ses vieilles terreurs


Il dormait comme on dort quand la vie se retire
Tendrement apaisé aux ondes d’un respir
L’aube silencieuse dessinait ses languirs
Aux premières lueurs des derniers souvenirs


S’il a fermé les yeux c’est pour revoir sa belle
Pencher ses boucles brunes à son âme rebelle
Pour la garder un peu avant que de partir
Et pour l’étreindre encore avant que de mourir


Il avait sur son cœur
Un petit livret gris
Contenant quelques fleurs
Une photo jaunie



Régine Foucault©
27 février 2004





NOSTALGIE

« Bouquet séché »



Dans le jardin de notre vie
On trouve des lieux de silence;
Broussailles sur nos utopies,
Devenues friches de l'absence.


Passant ne t'y arrête pas...
Les vieux sarments seront tranchés,
Ne reviens jamais sur tes pas,
Tu trouverais des fleurs séchées. 


Rangeons bien tous nos souvenirs,
Nos rêves, nos fantasmes, nos chimères,
Rêves d'enfant, projets d'avenir
Et tout un passé éphémère.


Le printemps efface l'hiver,
Le passé nous barre l'avenir.
Notre présent n'est plus hier,
Refermons l'herbier des souvenirs.


A la lumière des aurores,
Le temps passé des crépuscules
Importe peu, on vit encore
Le temps présent en majuscules. 


La vie est là chaque matin
Après les oublis de la nuit.
Chaque jour combat l'incertain
Au-delà du temps qui s'enfuit. 


Flore et faune, tous les vivants
Font face à tout ce qu'ils rencontrent,
Malgré les brouillards et les vents
Leur vie est course contre la montre. 



Ne cherche pas pourquoi, comment,
La raison et le sens des choses,
Suis la nature, vas de l'avent
Et tu vivras comme les roses.

Carpe Diem !



Pierfetz
© Printemps2004 





Une dernière lettre



« Et passe le temps, passent les heures, passe la vie
Tu n’es plus, hélas, qu’une photo jaunie
Un souvenir, le bouquet  - maintenant fleurs séchées -
Que dans le champ j’avais cueilli, t’avais présenté


Ce jour rempli d’odeurs et d’émerveilles
Ce jour où dans les herbes hautes, ô merveille
Pour la première fois nous nous sommes aimés
Où face au ciel, à l'amour nous avons succombé


Qu’il était beau ce corps que je découvrais
Et tes yeux magnifiques, tes lèvres, qui m’appelaient
J’ai, en cet instant, dérobé ta fleur, ton cœur
Maladroitement, oui je sais, j’avais si peur


Pour moi aussi c’était la première fois
Je t’attendais, je me gardais pour toi
Mon amour, ces moments en moi sont restés à jamais
Gravés dans mon âme depuis ce jour de mai


J’avais défait ta longue chevelure aux reflets dorés
J’étais si empressé, tu te souviens, ta robe était froissée
Notre désir commun de rien ne se souciait
Que de s’embrasser, se caresser, la vie nous appartenait


Au soleil de quatre heures, ivres, nous sommes rentrés
Sur la table du salon, dans un vase choisi, tu y mis le bouquet 
Ce bouquet de fleurs que je t’avais offert
Symbolique don de l’offrande dans la lumière


Toute notre vie nous nous sommes aimés
Tu es partie trop tôt, hélas ! Mais sache ma tendre aimée
Que je sens l’heure venir où je vais te retrouver
Je me sens trop seul et las à ainsi regarder 

Cette photo de tes jeunes années
Et... le bouquet de fleurs séchées. »



Ode
27 février 2004





La proie et l'ombre, Elle... 



Rien ne vous fera tomber ma mie 
Mon cœur qui s'étrenne aux abois


Ah ! comme vous jouez avec mon cœur 
De ce sourire 
Ces jambes nues qui se perdent dans l'herbe 
Ce sein qui palpite et qui bat
Votre peau comme la chimie de mon âme 
Courrez, courrez 
Et comme vous avez ri ! 

...

Mais là sur le bord de la rivière 
N'écoutant que la complainte de vos émois 
Se débattant au cœur de l'été 
Vous vous êtes laissée aller 

La rivière était belle 
L'eau douce et bonne 
Arraisonnée par cette douceur , 
Portée par cette jouvence 
Vous vous êtes laissée bercée dans l'onde de cette fraîcheur 

Je n'étais point venue vous conquérir ce matin-là 
Mais au bout de mon rêve 
J’avais décidé pour la rivière pour y éteindre le feu. 
Je ne m'attendais pas 

Ravi
Je vous regardais inquiet 
Était-ce en cette heure chaude qu'allait se jouer le devenir ? 
Vous m'avez regardé surpris et êtes restée coite 

Oh! oui on tremble quand l'ardeur nous prend 
Et j'ai vu dans votre regard 
Que vous aussi vous y veniez vers cet instant

La nature eut un soupir 
Les oiseaux les arbres le vent, 
Tout un instant soupira 

Vous étiez belle 
Si peu loin des rives

Et moi qui comme l'ombre suis la proie 
Je savais l'heure et je savais l'émoi
Et j'avais au cœur ce désir 
Et j'avais la foi

Oh! oui on tremble quand l'ardeur nous prend 
Vous m'avez regardé surprise et êtes restée coite 

Comme au milieu d'un songe j'ai avancé dans l'onde 
Vous regardant chavirer dans le désir 

J’ai avancé dans l'onde pas à pas. 
N'osant vous quitter du regard 
Et ne sachant encore quoi... 

Vous superbe au delà des songes 
Vous m'avez regardé 
Vous m'invitiez 

Quand tout près de vous 
J'ai tendu ma main vers vos cheveux 
Vous avez courbé la tête 
Comme pour vous lover sous ma caresse 

Et alors que mon corps près de vous enfin 
Pouvait respirer le vôtre 
Vous vous êtes étendu sur l'onde 
Comme sur un lit de fleuve 
Pour vous donner à mon regard
Et me plonger dans les affres des mondes

Vous le saviez 
Que l'enfant n'aspirait qu'à être un homme 
Et vous l'avez séduit à conquérir ce devenir 
Vous faisant autant que moi femme
Et que plus humain

Je vous ai arraché aux eaux 
Et je savais sur la rive 
Un lieu tout chaud 
Loin des regards
Pour s'enfermer au milieu des êtres à naître 
Et à découvrir

Vous saviez un peu ce que vous recherchiez 
Je ne savais pas encore ce que j'y venais découvrir
Et doucement vous avez pris ma main et m'avez guidé

Et j'ai connu le rêve et je vous ai aimé 

Je suis un homme aujourd'hui 
Je sais les chemins qui vont du jour à la nuit 
Qui vont de l'amour au rêve et jusqu'au petit matin 
Je sais ce goût de la sève et du feu sans lendemain... 
Et dans votre regard encore j'y retrouve le mien... 

Peu importe la nuit qui chavire le monde 
Ma mie 
Je vous arrache des eaux 
Je sais un endroit sur la rive 
Un lieu tout chaud loin des regards 
Pour s'enfermer au milieu des êtres à naître 
Et à découvrir 

Je sais un lieu tout chaud 
Au milieu de mon rêve 
Où l'on peut loin des regards 
S’enfermer au milieu de l'être et mourir



Yves Drolet© 
28 février 
2004 20:08:09



Un Vieux Tombeau



Là-haut au sommet du piton,
Le cimetière de Menton,
Rappelle un passé qui profile,
Sa silhouette sur la ville.


Plusieurs tombeaux intéressants,
De personnages importants,
Beaucoup de Russes, princes et comtes,
Des lords et mêmes des archontes.


Sur un tombeau, très négligé,
Un vieux portrait un peu fané,
Des mortes fleurs, seule oriflamme,
Qui nous dit qu’ici gît une âme.


Une photo, seul mémento,
De cette dame incognito,
Le temps, ce maître de l’usure, 
A dégradé sa sépulture.


Le nom, la date ont disparu,
Son temps sur terre est révolu,
La seule trace de sa vie,
Est sous mes pieds, ensevelie.


Une photo, vieille photo,
Toute encadrée en rococo,
A survécu sur cette pierre,
Qui vous demande une prière.



C
hristian Cally
29 Février 2004





Les souvenirs sont façonnés par l'oubli 
comme les contours du rivage sur la mer. 
[Marc Augé] 



LES fleurs que j'ai coupé refleurissent ma foi
SOUVENIRS d'un passé écrit dans ma mémoire
SONT-ils vraiment ternis au creux de mon grimoire,
FAÇONNÉS dans ses plis ces présents d'autrefois ?

PAR je ne sais quel but, je feuillette parfois
L'OUBLI de leurs couleurs, leurs fibres dans la moire,
COMME de vieux effets bien rangés dans l'armoire
LES pétales séchés sont très beaux quelquefois !

CONTOURS frêles, cassants, corolles qui naguère,
DU lever au couchant, n'étaient en rien vulgaire;
RIVAGE d'un bonheur déjà loin mais pas mort

DE ces bouquets fanés, j'y caresse son âme,
LA quête d'y goûter le sel que j'y réclame :
MER au ressac cruel ourlé par le remord



Robert Bonnefoy©
28 février 2004





Lettre de chevet



Ma mie, ma douce colombe, mon ange, phare de mes songes, le trouble m'envahit, en ce jour, comme il l'a fait chaque jour passé, depuis que vous reposez ici; tout du moins dans mon esprit. Votre photo, bien que ternie par le temps qui passe, est semblable aux fleurs séchées, les dernières que nous nous sommes offertes, que je n'ai point remplacées, non pas par cupidité, mais par fidélité à ce que nous pouvons ici bas offrir, et garder en nous. La comparaison pourrait sembler point flatteuse, mais vous et moi avons traversé tant d'épreuves, que je sais que vous sauriez saisir le sens de tout ceci sans avoir à l'expliciter. Les rides que nous glanons sur le chemin, les jouets qu'enfant nous triturons, usons, n'en méritent pas moins attention. La beauté est autre qu'un simple reflet parfaitement agencé, la beauté c'est la vie qui s'insinue en nous, avec son souffle immuable de mort qui vous a emporté. Les deux font la paire, comme des amants parfaitement accordés. Ainsi ces fleurs séchées sont pour moi ce témoignage des instants qui se sont écoulés, qu'il fait bon de garder gravé tout au chaud, au fond. 

Mais vous, ma mie, toi, ma sincère amie, qui m'a laissé entrevoir la lumière de ton âme à travers les failles de tes murs, si tu savais comme l'image sculptée par les vagues de l'amour sur mon cour ne s'est point délavée. Les sens sont restés éveillés, avec leur voile de félicité prêt à m'offrir leurs eaux lorsque j'ouvre le robinet de tes souvenirs, qui parfois émergent tout seul, au détour d'une rue, dans un coin de bar, à la fenêtre de notre demeure. Lorsque mes éclats de songe s'ouvrent, je te vois, je sens la fragrance de toi, des instants que nous avons partagés, pour le meilleur et pour le pire. Ton sourire, tes larmes, tes hauts les cours, tes silences, tes lumières, les fenêtres de ton univers, ta voix, le timbre de tes sentiments, jusqu'au partage de nos ébats, nos rires mélangés, nos larmes unies dans une même rivière, le tam-tam de nos nuits, la symphonie de nos pensées, nos mots d'amour, nos espoirs, nos rêves, consommés sur les rivages de l'ivresse étoilée. J'aimerai pouvoir revivre ces instants, toi dans mes bras, nos battements à l'unissons, nos cieux exprimant toute la profondeur, l'embrasement de la source originelle, j'aimerai de nouveau pouvoir m'envoler avec toi, par nos ailes unies sous le soleil de notre flamme. Même si je peux le faire en m'allongeant sur l'herbe, et rêvant devant les étoiles, la réalité de chaire était bien plus belle, alors, en attendant de te retrouver dans l'au-delà, je me dois de prendre mon mal en patience et, te rend hommage par cette lettre des cieux, puisse t'elle arriver jusqu'à toi, puisse le vent céleste porter ma prière, mes mots, traverser les valses de poussière d'étoile, et toucher la cible, fusse t'elle abyssale.

 


Allongé sur son nuage par delà les plaines,
Les rivières, les montagnes, les océans, 
Dans un lieu connu de lui seul, si ce n'est 
Des dieux, un dormeur sans va poser haleine

Sa mie est partie depuis maintes lunes dans un autre temps, 
Et hors de la "façon", il avait un grand besoin de rêver,
D'inspirer l'essence même du monde de ses pieds,
Trouver lieu où il pourrait baigner dans la lueur des astres

Ce lieu il l'avait trouvé après plusieurs voyages,
Au détour d'un volcan, aidé par une baguette magique, 
Qu'un sourcier de nuages rêveurs d'albâtre
Lui avait prêté pour trouver de son fort le rivage.

Il y accéda en traversant une mystérieuse crique,
Recouverte d'une eau semblable à un miroir,
En y plongeant les cieux emplis de l'unique espoir,
De pouvoir à nouveau rentrer aux pays des songes.

Lorsqu'il fut entouré d'humidité en brouillard, 
Comme si ses larmes intérieures s'étaient condensées,
Il s'allongea et observa un temps ce qu'il y avait
Au dessus de lui, les étoiles étaient là en divins phares.

Puis, il se pencha et regarda, regarda, vit s'étendre des ailes,
Vit les étendues de toutes les couleurs par lesquels 
Il était passé, fut touché par toutes les beautés animées 
Et inanimées qu'il n'avait su voir jusqu'à présent.

Allongé sur son nuage par delà les plaines, 
Les rivières, les montagnes, les océans, 
Dans un lieu connu de lui seul, si ce n'est 
Des dieux, un dormeur sans va poser haleine

Il s'allongea en posant la tête en direction 
D'un halo d'arc-en-ciel, dont il semblait 
S'émaner de l'éther lorsqu'il fermait les yeux,
Plongeant, s'évadant au cœur de ses passions. 

Il voyage maintenant hors du temps, au lieu
Des éternités, où il rejoint sa bien aimée, 
Là où main dans la main ils vivent le partage
De Passion, de l'univers découvrent les milles rivages.

Il rêve les monts en sourire, d'elle tout ébahit,
Fleurs embrasées, dépapillote, plonge à l'essence de vie,
Devant tombe marbrée de souvenirs, le vent d'univers il suit.

A ma mie disparue,
Un vieux rêveur aux portes de l'outre tombe.


Pascal Lamachère©
4 mars 2004








« Bouquet séché » de Vasiliy Kovalenko©



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