La Libre
N ° 15 - Journal en fond poétique 

Newsletter
Site à ne pas manquer : Le journal de Personne : https://www.lejournaldepersonne.com/
bannière l'info-scénario https://www.lejournaldepersonne.com/

Envoyer un poème, un article
cliquez ici


Page 1

- Fêter la vie
- Annonces
- Jeu d'écrits
- Sextine
- Poème en langue étrangère

Page 2

- Poèmes à l'air du temps
- Pas bête l'Ernest
- Citations
- Chanson
- Conte à suivre

Page 3

- Poèmes d'auteurs à l'affiche
- Interview
- Histoires de sourds de Jean-Marie Audrain

Page 4

- La fée de lune
- Petit on te dit à l'école
- Le corbeau
- Les enfants, le temps, et...


Ton visage

Avant de connaître ton nom 
Tes traits dessinaient l’horizon 
Où que tu ailles. 
Sans toi le temps se faisait long, 
S'étirant, de séparations 
En retrouvailles 
Pour revoir bientôt ton visage. 
Encore et toujours ton visage.

Je veux t'aimer sur cette terre 
Chaque jour un peu mieux qu'hier 
Et davantage. 
Malgré les éclats de colère 
Malgré les moments où l'on perd 
Jusqu'au courage 
Je veux voir encore ton visage. 
Encore et toujours ton visage.

Au long des années partagées 
Pour moi tu n'auras pas changé 
Parce que je t'aime. 
De la jeune fille à la femme 
De la mère à la vieille dame 
Tu es la même 
Et je vois déjà ton visage. 
Encore et toujours ton visage.

Comme je le crois, après la mort 
Quand pour toujours nos nouveaux corps 
N'auront plus d'âge 
Dans un ineffable décor 
Ton âme sera, à son aurore, 
Mon paysage. 
Je verrai enfin ton visage
Encore et toujours ton visage.

© Jean-Marie Audrain

TA VIE NE TIENT QU'A UN FIL

Avant même d'être désiré 
Avant même que tu sois pensé 
Avant que tu n'existes 
Quand la vie accourt au-devant 
De toi qui n'étais rien avant 
Tant que dure le jeu des possibles 
Ta vie ne tient qu'à un fil. 

Avant même d'entendre ton nom 
Dans le secret de ton tréfonds 
Ton destin se dessine 
Quand la vie s'étire au-dedans 
De toi blotti dans ta maman 
Tant que ton visage se profile 
Ta vie ne tient qu'à un fil. 

Quand ta mère se sent seule parfois 
Quand elle prend peur à cause de toi 
Quand l'amour se défile 
Quand on fait miroiter ta mort 
Pour inverser le cours du sort 
Tant que la liberté vacille 
Ta vie ne tient qu'à un fil. 

De ta naissance jusqu'à ta mort 
Quand ton coeur veille comme quand il dort 
Le temps où tu existes 
Sens-tu ce vent qui vient d'en haut 
Habiter ta chair et tes os 
Tant que dure ce souffle fragile 
Ta vie ne tient qu'à un fil.

© Jean-Marie Audrain

 

Sans Toi

Tu es partis il n'y a pas longtemps ,
Et je me demande toujours , pourquoi sans moi ?

Le temps passe et la vie n'est plus la même sans toi ,
Ton odeur ,
Même la plus grosse tempête ne l'éloignera pas ,
Qu'est-ce que je ferais pour un moment avec toi ?
Pour l'instant mon coeur qui essaie de t'oublier ne peut faire que t'aimer .

Le soir , je réfléchis,
Et repense aux moments avec toi ,
Nos fous rires , nos disputes , me manquent trop je crois ,
Toutes ces choses la ,
Ont quitté ma vie depuis que tu n'es plus là.
Avant je ne savais pas ,
Qu'une personne pourrait tant me manquer ,
Et surtout pas toi ,
Car qu'on soit séparé ,
Jamais je ne me l'étais imaginé ,
Je te considérais comme un frère,
Et pour toi j'étais comme une soeur ,
Alors te perdre , m'a fendu le coeur .

© Elodie

La musique de l'Amour

Ta sensibilité est bien à fleur de peau,
Comme celle des grandes âmes de poètes,
Qui s’expriment avec des plumes de flamme et d’eau,
Pour traduire les richesses de leur vie inquiète.

Ces mains pleines d’âme laissent courir les doux mots,
Qui chantent l’Amour sous ses multiples facettes,
En agençant les musiques venues d’en haut,
Pour créer toujours de nouvelles chansonnettes.

Mais ces mains savent aussi pianoter sur la peau
Dont elles parcourent, agiles, les vallons et les crêtes,
A la recherche de trésors somptueux et nouveaux,
En jouant des mélodies vibrantes ou discrètes.

La petite musique de tes doigts doux et chauds,
Et la mélopée de tes baisers en quête,
Ont fait si bien frissonner mon corps d’agneau,
Qu’ensemble nous monterons tendrement au faîte.

Je n’espère rien de plus chaleureux et beau,
Que d’entendre nos âmes si belles et secrètes,
Fredonner en choeur des symphonies crescendo
Que composeront aussi mes mains si fluettes.

Je vous invite à entraîner vos coeurs en duo :
Elles sont si bonnes nos fantaisies de poètes,
Pour ranimer les corps et âmes par les mots,
Et lancer la musique de l’Amour en fête !

13 juin 2002 

© Evalys

 

Le labyrinthe du silence

Comme une flamme vive qui soudain s’éteint
Dans le souffle brusque du vent,
Tu sors de ma vie.

Abandonnée du ciel et de la terre,
Abandonnée à moi-même,
Je m’égare dans ton silence infini :
Ce labyrinthe tortueux, trouble, obscur,
Qui ne mène nulle part.

Tout se brouille autour de moi.
J’avance en titubant.
J’erre désorientée, sans repères.
Je reviens sur mes pas.
Je me perds sans cesse dans mes allers-retours.
Je ne viens pas à bout de ce labyrinthe inextricable
Dans lequel je me suis laissée prendre à mon insu.

Je suis à bout de souffle,
A bout de force,
A bout de cœur.

Il n’y a personne qui vient à mon secours.

Entre réalités et apparences qui s’entrechoquent,
Entre illusions et désillusions qui s’entredéchirent,
Entre douleurs et désirs qui s’enchevêtrent,
Entre chagrins et espoirs qui s’entremêlent,
Il me faut trouver une issue,
Au risque de perdre la mémoire, le langage,
La confiance dans l’amour, tous mes sens,
Le sens de mon existence.

Sans perdre une seconde,
Il me faut débroussailler toute seule ce labyrinthe sans appel,
Pour renaître dans ton amour 
Qui me manque plus que tout au monde.

 


Interview de FREYTAG Sylvie

 

1 - Profil  :

Je suis née le 26 décembre 1956 à Brumath (à 20 kilomètres environ de Strasbourg) où je suis aujourd’hui encore domiciliée.

J’ai une formation de secrétaire trilingue et travaille à Strasbourg comme secrétaire.

C’est grâce aux conseils et au soutien de mon fils, âgé de 20 ans, que j’ai pu réaliser jusqu’ici ce petit parcours poétique.

J’écris depuis toute petite, mais le premier poème français dont j’ai souvenir date de juillet 1973.

J’ai composé mon premier poème allemand en 1975, paru dans une revue locale début janvier 1976.



2 - Ce qui vous a amenée à l’écriture ?

Comme dit précédemment, j’ai commencé à écrire toute petite déjà.

Au collège, en classe de 4ème, le professeur de français avait donné des
cours fort intéressants expliquant les figures de rhétorique. Ses leçons étaient pour moi bien plus passionnantes que celles de grammaire 
qu’on avait l’habitude de nous inculquer.

L’engouement de ce professeur pour la poésie a indéniablement confirmé 
mon goût pour l’écriture.

 


3 - Pourquoi écrivez-vous ?

J’écris
poussée à la fois par le besoin et le plaisir de créer par l’écriture : 
en un mot, écrire de la poésie est ma vraie passion. 

J’écris 
parce que j’aime les mots simples, de tous les jours, 
pour dire tout ce que j’ai sur le cœur, sans détours,
pour traduire ce que j’éprouve à des moments précis de mon existence,
pour exprimer mes sentiments, mes émotions,
pour parler de mes rêves, de mes espoirs,
pour laisser libre cours à mon imagination,
pour égayer ma vie.

J’écris
pour moi : 
pour décrire mes impressions personnelles,
pour me libérer de la solitude qui m’entoure continuellement,
pour surmonter le vide autour de moi, en moi,
pour survivre.

J’écris
pour l’autre, le lecteur (ou lectrice) que je connais ou pas :

pour lui faire partager tout ce qui me pèse ou me comble de bonheur,
pour lui faire partager ma poésie et mon amour de la poésie.

 

4 - Comment écrivez-vous ?

J’écris
en vers libres. 

J’utilise, selon mon inspiration, des images (personnification, comparaison), des sonorités répétitives (allitération, consonance, mots répétitifs) pour accentuer mes sentiments.

 

5 - Dans quelles langues écrivez-vous ?

J’écris en français ou en allemand, selon mes envies.

Il m’est difficile d’expliquer ma passion pour la langue allemande. Les mots me viennent naturellement. Je compose surtout des haïkus, senryus, tankas, Elfchen, qu’il m’arrive de plus en plus souvent de traduire parallèlement en français.

 

6 - Parution recueils poétiques ?

J’ai fait paraître deux ouvrages :

¤ « Monde du silence », fin juillet 2001, à la Société des Ecrivains à Paris et
¤ « Au royaume de la nature », fin octobre 2002, chez Jérôme Do. Bentzinger à Colmar (livre co-écrit avec mon fils Tanguy WASSONG).

« Monde du silence » dévoile mes moments de solitude, les angoisses, les rêves, le désespoir nourri d’espoir face au silence absolu qui a pris possession de moi et que je tente de réduire à néant. Ma poésie est collée à ma propre histoire qui peut être la même pour toute femme ou tout homme au cours de sa vie.

« Au royaume de la nature » permet aux petits et grands de cheminer à travers la nature qui s’offre à notre regard, grâce à la poésie concrète et tendre des mots simples, les textes prenant à chaque fois la forme du sujet abordé (calligrammes). 

 

7 - Parution de votre poésie en français et en allemand sur les sites Internet :

Je fais paraître régulièrement (depuis le début de cette année) nombre de poèmes dans des revues poétiques (dont Plume libre) que j’ai choisies personnellement et dont les responsables ont eu la gentillesse de me publier, mais également sur des forums.

Exemple de site allemand où quelques-uns de mes poèmes ont été publiés :

Site-web : www.e-stories.de (choisir « Gedichte », puis la rubrique souhaitée).

. Rubriques
Haïku : 12 haïkus (les 4 saisons) et 7 haïkus (la nature en général) : 08.06.03
Elfchen * : 12 Elfchen : 14.06.03
Französische Gedichte : « Floraison » (poème français accompagné de la 
traduction en allemand) : 28.06.03 
das Leben : "Zeitstimmung" (style boule de neige) : 01.07.03

* D’après les statistiques que l’auteur seul peut consulter, ce sont les "Elfchen“  (courts poèmes de 11 mots) qui sont le plus lus, dans mon cas personnel.



8 - Vos auteurs préférés (dans l’ordre alphabétique) :

Aragon, Andrée Chédid, Paul Eluard, Guillevic, Richard Ober, Alain Suied, André Velter, Franck Venaille (entre autres).

Auteur préféré : 

J’ai une très grande admiration pour Andrée Chédid, qui remonte à ma première lecture dans une revue poétique, d’extraits de « Terre et Poésie I »*, en juillet 1971. Depuis j’ai lu un grand nombre de ses recueils de poésie où les textes sont toujours merveilleux, pleins de vigueur, de lucidité, de vérité (et d’humour pour les poèmes destinés aux enfants).

* « Pas d’allées sans pièges. Chaque chemin reste à déchiffrer.

Du singulier à l’universel, du quotidien au durable, il faut rétablir – pierre à pierre – le passage.

Refusant de choisir une rive à l’exclusion de l’autre, une des épreuves du poète – même si son eau et son soleil n’y suffisent pas – doit être : ce pont à bâtir. »



9 - Vos autres activités :


. J’ai co-réalisé l’exposition « Autour du chiffre 7 » avec mon fils, à l’occasion d’une fête locale le 9 juin 1996 (1 journée).

. Je fais partie du Comité de rédaction d’un bulletin local depuis 1993 
et j’y fais paraître régulièrement des poèmes courts ou calligrammes
en langue allemande.

Explication de l’exposition « Autour du chiffre 7 » :

Pour la réalisation de cette exposition, 5 grands panneaux ont été nécessaires. Y figuraient les différentes rubriques (mentionnées ci-dessous) avec les explications, les exemples ainsi que les illustrations. En vérité, une somme de travail à deux qui fut considérable.

Quelques exemples pour éclairer le contenu :

. Histoire / Géographie :
Guerre de 7 ans (1756-1763), les 7 rois qui ont fait Rome, les 7 merveilles du monde, Apollon et les 7 sages de l’Antiquité, la ville aux 7 collines dominant le Tibre, etc.

. Dans les livres :
L’histoire des 7 nains, les « 7 boules de cristal » dans la série Les aventures de Tintin ; en poésie : septain (strophe de 7 vers), heptasyllabes (vers de 7 syllabes), « les 7 âges de la vie », poème de Shakespeare, etc.

. Dans la Bible :
L’histoire des 7 vaches grasses et des 7 vaches maigres, la multiplication des pains (7 pains, 7 corbeilles), les 7 phases de l’Apocalypse, l’ouverture des 7 sceaux, les 7 coupes, etc.

. Divers :
Les 7 péchés capitaux, les 7 péchés capiteux (une série de parfums présentés dans une revue féminine pour la St Valentin), les 7 traits de base de l’écriture chinoise, les 7 couleurs de l’arc-en-ciel, les 7 systèmes cristallins, les 7 clés dans l’émission télévisée Fort Boyard, etc.

. Expressions avec le chiffre 7 :
Etre au 7ème ciel, bottes de 7 lieues, etc.



10 - Citation adéquate à vos pensées :

« La poésie vit d’insomnie perpétuelle » : aphorisme de René CHAR.

 

© FREYTAG Sylvie

 

Histoires de sourds

DU BLANC AU MARCHÉ NOIR

Souvent, je regrette l'époque où j'étais camelot. Je vendais alors un produit sans pareil, fruit de mon imagination créatrice et de ma fibre mercantile; je l'avais baptisé HOP. Pourquoi HOP ? me direz-vous ? Parce que là où il y a une tâche tenace, frottez trois seconde avec mon produit et hop!, il n'y a plus de tache, comme par enchantement. Vous voyez qu'il porte bien son nom mon produit, non ?

Mon premier client s'appelait Jean-Paul SARTRE. Il était venu me voir pour une histoire de mains sales, car on lui avait parlé de moi à huis clos. Mais comme il prétendait que HOP lui donnait la nausée, on a eu des mots, il a pris la mouche et je n'ai plus jamais entendu parler de ce monsieur. 
Toujours à mes débuts, je suis allé à Lourdes pour proposer mon produit miracle au doyen de la basilique. Celui-ci m'a répondu : mon pauvre monsieur, même avec votre produit miracle, vous n'arriverez jamais à ôter la tache originelle à nos pèlerins !.

C'est alors que la Mafia a voulu me sponsoriser en échange du blanchissement de l¹argent de la drogue. Bien sûr, j'ai refusé, car ensuite je ne pouvais compter sur mon produit pour me blanchir ni la conscience ni le casier judiciaire.

Devant travailler sans sponsor et sans filet, il m'a fallu me montrer très convaincant afin de vendre mon produit à prix d'or. Je devais vendre du blanc sur des marchés... noirs de monde. Après avoir rassemblé autour de mon stand un petit troupeau de badauds, j'ôtais devant eux mon maillot de corps, mon unique tenue de travail, et je l'enduisais copieusement d'encre de chine, de ketchup, de cambouis, de café, de sang, de brou de noix, et les passants se plaisaient à y rajouter ce qu'ils avaient sous la main.
Bref, j'y étalais ensuite une noisette de ma crème miracle, je rinçais abondamment dans une cuvette et HOP, le maillot ressortait aussi blanc qu¹au premier jour.

Une fois, une badaude au profil généreusement rebondi s¹approcha de moi pour me demander :"Votre produit, est-ce qu'il dégraisse ?". 
Je lui répondis : "Ca c'est sûr qu'il dégraisse, mais laissez-moi vous conseiller, dans votre cas, d¹en prendre deux tubes. A consommer sans modération". 
Ce même jour, un badaud enchaîna : 
"Si votre truc dégraisse, puis-je m¹en servir comme shampooing ?". 
Je lui ai garanti qu'avec HOP, il n'aurait plus un cheveu gras. Aussi, à peine le tube de HOP acheté, ce monsieur voulut faire un essai sur le champs et sa chevelure remplaça mon maillot pour la démonstration suivante.

Le résultat prouva que je n'avais pas menti. Toutefois, devenu subitement chauve, ce monsieur n'est pas resté fidèle à ma clientèle. La reconnaissance est un honnête sentiment qui se perd, hélas! Malgré tout, le miracle continuait, car dès que je ressortais mon maillot redevenu immaculé malgré l'état immonde dans lequel je l'avais plongé, les billets de 200 francs jaillissaient de toutes parts au-dessus de centaines de paires d'yeux médusés. 
Il faut reconnaître que je vendais du miracle à bon marché : 50 centilitres de miracle par petit billet!

Mon affaire prospérait tranquillement. Jusqu¹au jour où un badaud éleva la voix au milieu de la foule : 
" Monsieur, je vous ai vu moult fois détacher l'indétachable avec votre crème HOP, et pourtant je ne crois toujours pas aux miracles; d'où cette question que je vous pose tout de go : pouvez-vous m'assurer que votre eau de rinçage, d'où émane une étrange odeur, est bien absolument pure ?". 
Je répondis du tac au tac : "Tout ce qu'il y a de plus pure, mon cher monsieur : Trichloréthylène pur, Eau de Javel pure et acétone pure." 
Le badaud répliqua : "Je me disais bien qu'il devait y avoir un truc..." 
"Et vous l'avez découvert, lui répondis-je, Félicitations, vous avez donc gagné..." 
"J'ai gagné un tube de HOP ?" demanda fébrilement le malin badaud ? 
"Bien mieux que cela" lui dis-je, 
"Je vous offre tout mon lot et le stand en prime. Échangeons donc nos rôles à présent, si vous le voulez bien."

Dès qu'il se mit à débiter mon boniment, je me suis mis à hurler à tue tête: 
"Au voleur, au voleur, sus à l'escroc, haro sur l¹empoisonneur...". 
Aussitôt, la police arriva et embarqua le bonhomme et sa camelote. 
"Nous le recherchions depuis 10 ans" m'apprit le commissaire, 
"Sa tête était mise à prix. Vous allez toucher la récompense." 
"Oh, vous savez, j'ai appelé par pur désintéressement" lui répondis-je. 
Il rétorqua : "À votre regard franc et loyal, on voit tout de suite que vous êtes blanc comme neige dans cette affaire!" 

© Jean-Marie Audrain

 

L'AUTO - FAIRE - PART

Mesdames et messieurs, 
J'ai l'honneur de vous faire part de mon décès. 
Oui, de mon propre décès. 
Excusez-moi de vous prévenir après coup, mais étant sourd, 
Je n'ai pas entendu ma dernière heure sonner. 
Sinon, je vous en aurais averti de vive voix. 
A vrai dire, je ne sais pas si j'aurais eu le courage 
De vous l'avouer. 
Je vous aurais peut-être dit : 
"Bon , c'est pas tout, il faut que je parte", 
Et comme partir, c'est mourir un peu, 
Ca aurait déjà atténué l'effet de surprise. 
Mais si je vous avais déclaré que je partais le premier, 
Vous vous seriez dit : Il veut partir le premier pour que l'on dise 
"Ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers". 
En plus, rien que l'idée de vous annoncer la nouvelle 
Me rendait malade. 
Même à présent, c'est la mort dans l'âme que je me résigne 
A vous informer de ce dernier incident de parcours. 
La vie a parfois ses petits imprévus. 
D'où ce faire-part en retard. 
Mais c'est bien la dernière fois que cela se produit, 
Croix de bois, croix de fer...

Remarquez, quand on m'a laissé entendre 
Que j'avais déjà un pied dans la tombe, 
Cela aurait dû mettre la puce à l'oreille, 
Et me mettre vivement sur le pied de guerre. 
Moi qui avais toujours vécu sur un pied d'égalité, 
Il ne me restait qu'à vider mon bas de laine 
Pour vivre ma dernière heure sur un grand pied. 
Mais moi, je me suis dit : " Si le deuxième pied ne s'use pas Plus vite que le premier, c'est pas demain la veille du jour Où on m'enterrera". Et là j'avais raison. Car on m'a enterré Sur le champs, et sans témoin, dans la plus stricte intimité, 
Sans même me laisser le temps de rassembler mes esprits, 
Sans tambour ni trompette, pour ne pas attirer l'attention Ni encombrer les rues. 
Et peut-être aussi à cause des vapeurs d'essence 
Qui auraient incommodé mes poumons, 
Eux aussi déjà bien encombrés. 
C'est que je suis un mort fragile! 
J'aspire à ce qu'on me ménage 
Avant que je ne retourne en poussière! 
Qu'on se le dise donc : je n'y suis plus 
Ni pour vous 
Ni pour personne. 
Qu’on ne me dérange donc plus. 
J'en arrive, hélas, à mes derniers mots, 
Car, n'étant plus, je ne devrais plus penser, 
Ce qui s'annonce d'un ennui mortel ... 

© Jean-Marie Audrain

 

LE BLEU VOITROUGE

Quand j'étais un tout jeune gardien de la Paix, mes collègues parlaient souvent de ce type en KAWASAKI qui passait à toute vitesse aux feux rouges et qu’aucun coup de sifflet n’arrêtait. 
Pour moi, ce type devait être soit sourd soit daltonien, et même sûrement les deux.

Je voulais en avoir le coeur net. 
Un jour, je l'ai surpris à l’arrêt.

Par simple curiosité, je lui ai demandé, l'air de rien : 
"Alors mon gars, on ne voit plus les feux rouges ? On n'entend plus le sifflet du gendarme ? Monsieur serait-il daltonien ou sourd ?" 
Le motard, répondit simplement, l’air hébété : "Qui parle ?" en enlevant ses lunettes de moto.

En dessous il portait des lunettes noires. C'est à ce moment-là que je me suis aperçu qu'il avait une bécane blanche. Aussitôt, je me suis confondu en excuses, lui avouant que son handicap, que je ne pouvais pas deviner, m'avait induit en erreur au point de m'apprêter à le soupçonner d'infractions volontaires. Quand je suis devenu tout rouge de confusion, le motard démarra en trombes. À l'instant même, machinalement, je l'ai sifflé à pleins poumons.

En vain. Finalement, je crois que je me suis fait avoir. Ce type-là était bel et bien daltonien et sourd ! 

MA DEVISE : 
Mieux vaut sourd que jamais 
(Dicton anonyme du 1er siècle après l'abbé de l'Épée) 
Vieux mots sourds que j'aimais 


© Jean-Marie Audrain
A mon ami sourd Marc Renard 



Note de l'auteur : Ces monologues humoristiques, ou sketchs, mettent souvent en scène la surdité. J'ai rencontré le mode des sourds grâce au jeunes de l¹INJS (Institut national des jeunes Sourds) de Paris, puis à SERAC (Sourd Entendant Recherche Action Communication) avant d¹en faire, hélas, l¹expérience personnelle. Bien que né " entendant ", mes textes font référence à la culture sourde et les allusions renvoient parfois à des situations ou des termes spécifiques. Mieux vaut que le lecteur entendant ne s'en offusque pas et se laisse glisser sur la suite du monologue. 

Copyright © 2002 

© Jean-Marie Audrain

 

Page 3

  Retour 

 

  Suivant 



 

 

 


00033961

 

 


Classement de sites - Inscrivez le vôtre! L'ABC du Gratuit...Pour trouver les meilleurs sites gratuit de l'Internet !!!

Planete-Virtuelle