Passé
l'hiver
De toutes les fleurs je suis l'ami
Et sans elles parfois je m'ennuie
Quand leur silence devient trop long
Je les rappelle sous tous leurs noms :
Démasquez-vous les paqu'rettes,
J'vous coup'rai pas la tête
Grappe de lilas, ne crains plus,
J'n'en veux pas à ton jus
Rassure-toi la gentiane,
Je n'aime pas ta tisane
Sors de ton trou, primevère,
T'iras pas au cim'tière
Mais où donc se cachent-elles
Quand elles manquent à l'appel ?
Toutes ces fleurs,
Oui, toutes ces fleurs....
Elles ont passé l'hiver
Tout au fond de la terre
Mais au premier soleil
Le printemps les réveille
Sors ton nez, petit crocus,
Répondre à l'angélus
Rose, ne fais pas la fière,
Même si t'es la plus chère
Iris, émerge de tes feuilles
Même si je t'ai à l'oeil
Orchidée, quitte ton linceul,
Même noire t'es pas en deuil
Mais de qui se moquent-elles
Moi qui les croyais fidèles
Toutes ces fleurs,
Oui, toutes ces fleurs....
Elles ont passé l'hiver
Tout au fond de la terre
Mais au premier soleil
Le printemps les réveille
Parfois quand je ne les vois plus
Je les cherche, je suis déçu
Quand elles jouent trop à cache-cache,
Je les gronde et je me fâche :
Ne boude plus, marguerite,
Je te plum'rai moins vite
Allez, reviens, la tu lippe,
J'te prendrai pas en grippe
Réapparaît, oh souci,
Finis ta comédie
Viens sonner les cloches, muguet,
Voici le mois de mai
Moi qui les croyais magiques,
Voici que le maître explique,
Où vont les fleurs,
Oui, où vont les fleurs :
Elles ont passé l'hiver
Tout au fond de la terre
Mais au premier soleil
Le printemps les réveille
Repousse par là, azalée,
Colorer mes allées
Ne tarde pas, myosotis,
Ta senteur fait délice
Redresse-toi aubépine,
J'arrache pas les épines
Grand lys blotti sous la paille,
C' n'est pas l'heure de la taille
C'est la maîtresse qui m'explique
Que le froid n'est pas tragique
Pour bien des fleurs
Oui pour bien des fleurs :
Elles ont passé l'hiver
Tout au fond de la terre
Mais au premier soleil
Le printemps les réveille
Jean-Marie Audrain
La
fleur sauvage et le mage
Je me lève le matin,
Tu es là petite fleur,
A la sortie de mon atelier
Tu éclaires mon bout de chemin
Sauvage tu as toujours été de coeur,
Prêt d'un arbre majestueux tu as poussé.
A ta naissance voulaient t'arracher,
Te mâcher, mes chiens lutins, j'ai
Dû les repousser et te confectionner
Une petite cage, pour mieux te protéger
Le soir alors que je sors à clair d'étoiles,
A mon étoffe de lin tu rayonnes tel un cristal,
En toi je vois de l'intérieur ce qui est,
Et lorsque flétrir je t'ai vu derrière cette prison,
Attristé, j'ai écarté tout danger, animaux renvoyé,
Tu as pu de nouveau respirer, et fleurir,
De moi faire poindre chaque instant le sourire
Je me lève le matin,
Tu es là petite fleur,
A la sortie de mon atelier
Tu éclaires mon bout de chemin...
Un jour j'ai découvert le malheur,
De la confection de mon panacée,
Le principal ingrédient tu étais,
Et nul autre que toi n'existais
En ma pauvre contrée... néanmoins
J'ai soulevé, moult énergies dépensées,
Tout de toi avec amour prenant soin,
Pour d'autres que toi retrouver.
J'étais désespéré, rien je ne voyais,
Même sur les monts volcaniques et enneigés,
Les territoires les plus inexplorés,
Il n'y avait que l'absence de ton existence,
A toi je m'en suis retourné, empli d'errance
Je me levais le matin,
Tu étais là petite fleur,
A la sortie de mon atelier
Tu éclairais mon bout de chemin,
Mais malgré ce bonheur,
Je me devais pour expérience saisir
Ton essence, ta sève, ta vie...
Alors que je m'apprêtais à te cueillir,
Un soir d'éclipse, dans un geste irréfléchi,
Une comète en fusion sur toi est tombée,
Et m'a tout enlevé, mon rayon de sourire,
Le phare de mon chemin, et l'ingrédient
De l'incantation que depuis for longtemps
Je préparais, tout sens en une fraction
M'a été jusqu'au coeur, à l'âme, soutiré
De tout ce gâchis, c'est toi que je regretterai
Le plus, petite fleur, et j'aurai au moins
Compris que te posséder, t'arracher, te tuer,
Aurai été la pire des ignominies, la pire des erreurs...
Si près de votre château, de votre église, route,
A la fois enlacée et fuyante, vous voyez pousser petite fleur
Qui vous illumine de l'intérieur, coûte que coûte,
Je vous conseille de la laisser en toute tranquillité,
Et vous porterez peut-être en vous son bonheur d'exister...
P.L
- 2002
Mon
poisson rouge m'a dit
Mon poisson rouge m'a dit c'matin :
"Je tourne en rond dans mon bocal
Ca fait trois ans que j'prends mon bain
Pour le moral, c'est pas l'idéal".
Je lui ai répondu :"Mon vieux,
Tu aurais pu le dire avant.
On va s'arranger comme on peut
Pour te faire sortir de là-dedans".
Il m'a dit :"Tu n'as rien compris.
Je ne veux pas déménager
Mais je me sens trop seul ici;
Il me faut quelqu'un pour m'amuser".
Je suis allé chez le marchand
Qui m'a dit :"Moi, je vous conseille
De prendre une pieuvre d'appartement
Vous allez voir, ça fait des merveilles".
Je suis rentré à la maison
Tenant l'animal par les mains.
Je l'ai présenté au poisson
Et les voilà devenus copains.
Maintenant, quand je prends mon bain,
J'ai dans mon eau deux compagnons;
La pieuvre me fait des shampooings
Et le poisson, des bulles de savon.
Si mon poisson me dit demain :
"Nous sommes deux c'est pas si mal
Mais, à trois, ce serait divin;
Viens donc avec nous dans le bocal".
Alors je dirai :"Non, c'est non",
On ne m'y prendra pas deux fois;
A faire les caprices d'un poisson
On n'est même plus maître chez soi.
|