La Libre
N° 25 - Journal en fond poétique

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- Le jardin
- Annonces
- Jeu d'écrits
- Haïkus
- Poèmes en langue étrangère

Page 2

- Poèmes à l'air du temps
- Souffle (Tsunami)

- Citations
- Chansons
-
Textes sur l'environnement

Page 3

- Poèmes d'auteurs à l'affiche
- Interview
- Contes/nouvelles

Page 4

- Le Mot qui devint Maux de Tête
- Ourson vert
- Ballons couleurs
- Afrique animale
- Citoyens du monde
- Avant d'aller dormir


Début d'automne

Les coteaux perchés sur les hauteurs
Se parent d’automnales couleurs

Dominant le chemin qui descend
Dans un village calme et reposant

En travers le petit pont de bois
Vers la maison de pierre en contrebas

Tout près s’écoule une rivière paisible
Ou se mirent floraisons et brindilles

Les rocailles tapissant tout le long de la rive
Limite le parcours des enfants qui s’activent

Début d’automne ou il fait très beau
Chatoyant paysage ou l’amour du pinceau

Yveline Danhiez

 

Le printemps se meurt à l'automne

Le printemps meurt en automne
Sans avoir pu connaître
Ces visages rejetés par les flots
La distance parcourue par les voix.
Moi qui suis passeur d’horizon
Je désire vivre ce jour
Quitte à en subir un nouveau
Je vivrai avec l’ombre qui me suivra
Dans les rues où les mots
Sont oubliés par tous.
Je partagerai ce pain
A l’abri des regards
Sous des porches à l’abandon,
Avec celui qui
M’entourera de ses vêtements.
Avec celui qui
N’aura pas peur de donner sa vie à un autre inconnu
Avec celui
Qui saura se contenter
D’un bout de mie passé de main en main
D’un verre de vin passé de bouche en bouche
Versé dans un bol de misère.
J’ai le sang usé,
Mes veines où le temps s’engouffre
Cherchent ce souffle
Dans les ordures dispersées sur les trottoirs parisiens
Dans le ventre creux des maraudeurs instables qui chaque nuit se réfugient
A l’intérieur des faubourgs isolés.
J’ai franchi les frontières cachées de la lumière
J’ai longtemps compté mes pas clandestins sur ce sol où tout se marque au fer rouge
J’ai tué à découvert pour ne pas souffrir et ne pas ne faire souffrir
Affranchi de tout mal, je découvre cette violence
Cachée sous les traits d’une espionne
Qui dans son cœur contient ce revolver qui vous abat dès que votre route dévie.
J’ai mes yeux pour pleurer et ce couteau pour mourir.
Fuyant ce monde d’incompris et d’exhibitionnistes de bonheur
Sous les toiles de ma tente
J’attends l’intempérie punitive
Qui déversera
A coup de pieux, à coup de poignards
Ce sang rouge vif, payé au prix fort
Percera les âmes corrompues.
Dans la lettre que je t’adresse
Tu ne sais pas que je vis au jour le jour
Tu ne sais pas qu’espoir est mon troisième poumon et mon
Mes souvenirs sont des larmes qui s’enfouissent dans les vagues de la Seine
Sans vouloir les récupérer d’autres suivront
Dans ce fleuve des soupirs et ce corps silencieux

Nicolas Cotten

 

Hiver

A l’heure où se meurent les nids
Les arbres flambent de tous feux
Une glaciale pluie de deuil
Gifle sans fin l’herbe et la feuille
Gelant jusqu'à fendre l’aurore
De tendres fleurs multicolores

Pour cet hiver et sa froideur
En fil de rire, laine des mots
J’irais m’asseoir pendant des heures
Au coin du feu pour avoir chaud

Quand la lumière s’éteindra
Je retournerai dans l’ombre
Allumer un grand feu de bois
Pour que plus rien ne soit sombre

Soupirs d’édredons trop gonflés
Bâillements de vieux oreillers
Je resterai bien allongée
Derrière mes carreaux givrés

Comme une ombre de glace
Le temps passera doucement
Jusqu'à ce que l’hiver s’efface
Pour nous redonner le printemps

Tout se forme et disparaît
Sans repère de temps, ni de lieu
Lorsque je me réveillerai
On sera de nouveau heureux

Arlette FEVRIER MUZARD ©

 

Effet hivernal

La blanche saison s'est bien avancée
Aux abords de la ville rose*, assoupie
Sous des bouts du manteau immaculé ;
Les étoiles gelées disparaissent dans la nuit.

La terre du jardin se pare de givrure,
Les vers sous l'arbre sont en disette,
Les couteaux gelés cognent sur les murs,
Même au vent, commence à se figer ma crête.

La blanche saison pousse à hiberner
Au chaud des pièces pour rêvasser...
J'imagine tous les sans toit du monde :
Vivre un cantilène face à ce qui gronde

Fuir vertige de l'effet hivernal, 
combattre maux frissonnants,
Faire la plonge des vestiges 
en grouillante oraison,
Se couvrir même d'oripeaux 
pour le bien du sang,
Et attendre, espérer la venue 
du feu de la verte saison...

Pascal Lamachère

 

L'Hiver

Toi qui as poussé l’automne
Pour lui prendre sa place,
Avec toi, plus rien nous étonne
Car tu nous apportes froid et glace.

Par tes jours de grands froids
Tu nous fais claquer des dents,
On s’en aperçoit
Quand tu déposes ton grand manteau blanc.

Il est vrai que ton paysage est magnifique
Car tout est d’un blanc éclatant,
Pour les enfants c’est un monde magique
Et ils sont tellement contents.

Tu nous obliges à remettre fourrures et manteaux,
Gants, écharpes et bonnets,
Car si on veut bien avoir chaud
Mieux vaut s’équiper au complet.

Ta bise du petit matin
Nous fige notre visage,
Alors couvrons-nous bien
C’est beaucoup plus sage.

Ta neige qui craque sous nos pieds,
C’est vrai que ce n’est pas désagréable,
Mais lorsqu’on doit circuler
Parfois cela devient redoutable.

Tes flocons qui descendent de ton ciel gris
Se posent sur le sol sans heurt,
Tel un papillon qui lui
Viendrait se poser sur une fleur.

Tes flocons, si fragiles, si légers,
Et aussi impalpables,
Quand ils tombent en grande quantité,
Nos routes deviennent impraticables.

Gilles ROBERT

 

 

Souffle

La nuit tombe sur les roses
Pour parfumer l’océan
Le vent ensable l’aube
Pour enturquoiser le jour

J’entends monter la vague
J’entends la mort, vague montante
Dans le souffle et le sang
À hauteur d’un sournois silence

Comme la noirceur des jours de tempête
La paix des sables chauds et de la mer turquoise
De l’enfance, aura eu son heure

À la lisière des corps, l’adieu,
L’offrande des âmes

Le dernier souffle est tombé
Comme surcharge de vie

Et dans ma chair meurtrie
Je sens le vide
Comme déchirure

Océan d’épaves, éclaté du souffle premier
Créateur et destructeurs des mondes
Océan, porteur des continents
Oscillant dans les vents cosmiques

Mers de vagues rageuses
Dévoreuses, assassines
Payez le prix de votre rédemption
Rendez à nouveau la vie
Allongez vos veilles
Sur les débris des îles
Pour sauver l’heure
Des grandes résurrections !

En attendant que vienne ce temps
Dans les chairs meurtries
L’humanité sent le vide
Comme déchirure

Ode

10 janvier 2005

Aux victimes du tsunami ainsi qu'aux survivants...


Citations

L'hiver mon jardin s'ennuie de moi... c'est pourquoi il préfère s'endormir pour quelque temps... (Céline Blondeau)

Tour à tour inquiètes et sereines
Les années s'écoulent sans bruit
Laissant comme un manteau de laine
Sur tous les hivers de nos vies. (Yves Duteil - Auteur, compositeur et interprète français)


Ceux qui ont horreur de sortir des sentiers battus se demandent comment on peut rêver de passer un hiver dans le froid, le vent et l'obscurité. Que peut-on y trouver ? Je n'en sais rien - à moins que ce ne soit : des gens, de la mer, du ciel. (Björn Larsson - Navigateur et romancier suédois)

Il est des intellectuels comme du soleil d'hiver. Il brillent mais prodiguent peu de chaleur. (Philippe Obrecht)

Une parole venue du coeur tient chaud pendant trois hivers. (Proverbe chinois)

La haine, c'est l'hiver du coeur. (Victor Hugo)

La véritable amitié ne gèle pas en hiver. (Proverbe allemand)

Soyez heureux pour être bons ! La bonté sans bonheur est un soleil d'hiver. (Jean Prieur - Romancier et auteur dramatique français)

C'est l'abbé qui fait l'église ;
C'est le roi qui fait la tour ;
Qui fait l'hiver ? C'est la bise.
Qui fait le nid ? C'est l'amour. (Victor Hugo)

L'automne est un andante mélancolique et gracieux qui prépare admirablement le solennel adagio de l'hiver. (George Sand)

Se marier dans sa jeunesse, c'est comme faire l'acquisition d'un poêle en plein été ; ce n'est qu'en hiver qu'on sait s'il chauffe ou s'il fume (Jean-Paul - Ecrivain et humoriste allemand)

Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été. (Albert Camus)

Un homme sans femme ne tient pas l'hiver. (Proverbe québécois)

Si l'hiver est froid et rigoureux
Ton ventre à la table, ton dos au feu. (Proverbe français)

Il n'est pas d'hiver sans neige, de printemps sans soleil, et de joie sans être partagée. (Proverbe serbe)

J'avance dans l'hiver à force de printemps. (Prince de Ligne - Maréchal autrichien)

 

Chansons
Poèmes récités

 

La vie

cliquez ici pour connaître les paroles écrites par CéPYGé.X

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La mélodie perdue

cliquez ici pour connaître les paroles écrites par CéPYGé.X

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Quand je ferme les yeux

cliquez ici pour connaître les paroles écrites par Jean-Pierre Dzieciol

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Textes sur l'environnement, l'écologie

 

Poèmes



Demain

Ecoute,
Mon enfant je dois t'apprendre
Ouvre, grand tes yeux, observe
Les eaux du lagon bleu si pure
Regarde, les conifères fiers avec panache
Qui le bordent avec prestance.
Prend soin de tout ceci.

Vois-tu
Mon enfant je dois te dire aussi
Regarde, si la laitue est envahie de moucherons
Alors tu sauras quelle saine.
De nos jours la vie n'est plus la même
L'eau de la source n'est plus
La bouteille la remplie de son contenu.

Mais surtout ne touche pas
A toutes ses dépendances
Alcool, tabac, drogues
Ils ne sont qu'illusion, qui tue sans condition.
La maladie est à la porte de chacun
A toi de trouver le chemin.

Demain tu seras grand
Un être averti, avec ses tentations.
Préserve ton héritage, celui de l'amour en partage.
Celle d'une vie en bonne santé
Car demain ton tour viendra
De transmettre à la futur génération. 

Clotilde de Saint Jean


*  *  *


Le monde à terre

Ces hordes fragiles croulent, amassées, affamées, humiliées…
La brume, l’oubli avalent nos rives noires, peuplées de déportés.
Ecueils aux creux des ressacs, nos ailes brisées, les yeux ouverts.

Nature farouche domptée sans vergogne pour notre confort matériel :
Insatiable, le développement dérobe toujours plus la dignité à tes enfants.
Nos sciences nient ta vie, tes communautés pour un amas incohérent,
Organisé par l’atome. Or ta volonté, vers un même but, aligne le Tout et le Ciel !

Force, étranglant les plus frêles ramifications de nos racines
Maudites par l’Empire tout puissant, es-tu délibérée ?
Inadaptées et cruelles, tes paroles sont crimes et rapines.

Garçonnet, tu te déchaînes sur la peau bleue de ta Mère puis contre ses flancs.
Amène plus profondément, au cœur brûlant la vie, le pur souffle
Irriguant ses mains ! Il nous consume et nous dévoile l’insécurité, et son marchand
Appose une marque sur les desseins d’ignoble et méprisante rafle. 

Ordre empoisonnant le monde ! Aux plus faibles : ombre hors de portée…
Montre-toi, organisée, méthodique, dépeçant les eaux ! Et la terre
Conspuée et dénigrée dès lors qu’elle échappe à ton contrôle ou te dessert…

Le vendredi 6 août 2004 à Dollon.

Sébastien Bessat


*  *  *


La décharge à la Ciotat

J'étais sur la décharge un matin de printemps
je savais pourtant bien ce que je venais voir,
mais je croyais venir « en témoin », pour pouvoir
constater calmement, en "esprit scientifique"
"objectif, constructeur, lucide et méthodique"...

Et cependant comment aurais-je pu prévoir
que j'allais tout d'un coup vomir mon désespoir
devant ce tas de merde, immonde dépotoir ;
devant l'assassinat lucide, organisé,
de ce simple décor de collines brûlées
où poussaient au printemps le thym, les orchidées
qui faisaient le bonheur de qui savait les voir !

Le golfe était gris bleu, un mistral indocile
balayait le plateau qui aurait dû chanter
la liberté du vent et l'odeur des collines.

Mais l’homme était passé par là, "aménageant"
ce décor "sans valeur", cet espace "inutile",
réglé au bulldozer, éventré de ravins
où des camions douteux, vidangeurs maléfiques,
versaient leurs cargaisons puantes et toxiques !

Terrasses de gravats sur les bancaous détruits,
flammes et puanteur sur la garrigue en ruines...

Provence, mon oiseau ! Ma fleur ! On t'assassine ! 

Dago 


*  *  *

La mer était bleue 

Pleurer des poissons les larmes amères
Sur nos langues une saveur d'écume noire
La mer était bleue autrefois.

Nos rêves englués dans les extraits d'essence
Odeur de prestige : la mort des cormorans

La mer était bleue autrefois !

Des écailles ont poussé sur mon coeur
Je regarde périr les oiseaux
Becs tendus sur un cri étouffé
Dans ma gorge une boule de pétrole

La mer était bleue autrefois.

Pieds nus les enfants creusent le sable souillé
Jettent leurs regards vers l'horizon
Leurs châteaux s'écroulent
Carcasses de fin.

Leur direz-vous ?

Je souffle un sanglot à leur âme confiante :
La mer était bleue. 

Sandrine Bettinelli


*  *  *

Une Provence 

Le chemin capiteux, voie qui monte à la tête
- Loin l'essence du conifère - emmène alors
Au tourniquet du sud les esprits et les corps
Qui s'enivrent de rien au son de la rainette.

Les fleurs aux fenêtres, les volets ballants - cette
Bastide veinée de terre rouge - et l'on sort
Le linge - entre deux oliviers presque morts,
Les bougainvillées dont l'odeur monte à la tête.

Les étourneaux au tourniquet du sud s'envolent,
Obliquent ensemble, les chasseurs se désolent
Et gaspillent leurs coups - du plomb dans les platanes.

Mais je ne l'aime pas, cette fille du pays,
Je ne veux pas de la garrigue, hémorragie
Verte parmi les garous - mais la tramontane.

Santiago Cuervo

*  *  *

Gaïa notre mère

Ronde planète bleue entre les mains de Dieu,
Tu t’es manifestée telle qu’issue des Cieux.
Lente progression pour te donner belle allure,
Sûre évolution pour épanouir ta Nature !
Depuis longtemps déjà, tu accueilles chez toi,
Tous les êtres vivants qui sont avec ou sans toit.
Protégée des anges, elfes, gnomes et fées,
Nous sommes tes hôtes bienheureux et enviés !

Et pourtant, il n’y a que des hommes indignes,
Pour manquer de respect et ignorer les signes
De cette destruction accélérée, sauvage,
Que certains ont lancé, avides, pleins de rage !

Pourquoi un tel supplice endurer sans murmure,
Pourquoi tolères-tu encore ces injures ?
Etre notre mère permet de pardonner,
Mais qui va éviter la mortelle ruée ? 

Evalys, 29 juillet 2004


*  *  *


Croyez la rosée

Croyez la rosée,
Croyez ses états d'âme annoncés : 

" Je suis juste une goutte de rosée
Une humble trace d'humidité
Catalyseur de fécondité.

Enviez ma transparente pureté
Mon corps de diamant, ma gratuité
Mon travail dans la nuit, ma beauté.

Je suis la force de vie incarnée
« Une » éphémère en l'éternité
Promise aux éthers ensoleillés. "

Est-ce cela qu'elle transmet à l'initié ?
Croyez la rosée...

Ange DEMOS 
Montfaucon le 30 03 2004.



*  *  *


Eve y danse

E'Dans le jardin de son enfance
Eden aux trois mille saisons
Tout n’est que grâce et innocence
Perfection

Fille du souffle et de la terre
Elle joue en toute insouciance
Avec le tigre et la panthère
Connivence

Dans le jardin de son enfance
Eve y danse…

Les bras archés comme deux anses
Au cœur du cercle des serpents
Le corps lové avec l’aisance
D’un enfant

Elle tourbillonne à tue-tête
Chantant des mots venus d’ailleurs
Comme une psalmodie secrète
En douceur

Les bras archés comme deux anses
Eve y danse…

Sous l’arbre de la connaissance
Les deux grands yeux écarquillés
Elle jouit de chaque flagrance
Du verger

Comme sous une fontaine sans trêve
Elle s’abreuve jusqu’à l’envi
Au tronc d’où s’écoule la sève
De la vie

Sous l’arbre de la connaissance
Eve y danse…

Face au buisson d’incandescence
Illuminant corps et esprit
Elle côtoie en ces moirances
L‘infini

Elle est fidèle par essence
A la voix qui parle à son cœur
Brise de paix et de patience
Son Seigneur.

Face au buisson d’incandescence
Eve y danse…

Tant que son sang vibre en cadence
Tout virevolte en son tréfonds
Balayant jusqu’à l’évidence
Des questions.

Quand se libère sa conscience
Elle s’invente un pas à deux
Comme deux oiseaux en partance
Vers les cieux

Tant que son sang vibre en cadence
Eve y danse. 

Jean-marie Audrain

 

*         *        *

*      *

 

Contes

 

Lô, la gouttelette de rosée du matin.

Dans la campagne, le soleil brille de ses magnifiques rayons traversant un ciel bleu immaculé, l’environnement est magnifique. Dans les champs, l’herbe folle danse au gré d’une légère brise rafraîchissante, les oiseaux chantent et batifolent auprès d’une flaque d’eau providentiellement placée au bord d’une clairière. Là, un peu plus loin, se trouve un jardin merveilleusement entretenu, l’herbe est rase, les massifs débordent de couleurs offertes par une multitude de fleurs différentes. Lô, petite gouttelette de rosée du matin née ici, sur la plus belle des fleurs, une majestueuse rose rouge, trône sur la plus haute feuille de sa rose, elle admire son environnement, c’est un enchantement chaque matin renouvelé. Comme chaque jour, vers midi, la force du soleil se faisant plus vigoureuse, Lô rejoint sa terre nourricière natale, où le climat est plus supportable pour une petite douceur fragile. Puis chaque matin, Lô revient sur sa même feuille, se joignant aux autres gouttes de rosée pour offrir un spectacle enchanteur aux quelques rares passants qui admirent la beauté naturelle de ce jardin fleuri, magnifiquement rehaussé de la brillance créée par cette rosée sous les rayons d’un soleil encore modéré.
Mais une ombre plane sur Lô, non pas à cause du cerisier qui promène ses feuilles et ses fleurs au-dessus du massif, mais parce que Lô commence à s’interroger, elle commence à en vouloir plus que ce qu’elle a déjà. Elle a souvent entendu parler de ces villes, où l’eau est au service de la race la plus noble qui soit, l’homme, où l’eau circule dans d’immenses tunnels pour parvenir directement au sein du foyer d’un de ces nobles hommes, pour se mettre à son service exclusif.

Un matin, Lô se reforme sur une feuille de rose, mais ce matin, ce n’est plus la même feuille. Elle trouve sa nouvelle rose beaucoup moins jolie que l’ancienne. Elle essaye de comprendre, elle se penche de part et d’autre de sa feuille, et finit par apercevoir la tige où se trouvait SA rose : elle n’est plus là, elle a été coupée ! Cette fois, s’en est trop pour Lô, la soif d’aventure et de découverte est désormais plus forte que le reste, elle décide de s’en aller à la recherche de ce monde dont elle a si souvent entendu parler. Le lendemain matin, elle se forme alors sur un brin d’herbe fraîche, tout près du chemin ou passent les engins qui sont supposés emmener l’homme au jardin vers la ville. Chaque matin Lô espère voir passer près d’elle la voiture qui l’emmènera au bout du chemin, vers cette destination qu’elle imagine déjà fantastique. Et un matin, ce qui devait arriver finit par se réaliser, Lô éclabousse joyeusement une des roues du carrosse et la voilà enfin en route vers l’infini de nouveaux horizons encore inconnus pour elle.
Tout au long du chemin, le bonheur et l’espoir grandissent en elle, jusqu’à l’arrivée à destination de son moyen de transport. Là elle croit déjà apercevoir ce que la légende décrivait, une sorte de tuyau tenu par un humain, une horde liquide sort de ce tuyau, que l’homme dirige vers son véhicule encrassé par une route longue et boueuse. Le flot dégluti par ce tuyau fini par atteindre Lô, qui se joint non sans un certain bonheur à ses congénères de la ville. Celles-ci semblent ne pas avoir fait attention à elle, malgré ses nombreux signes d’amitié. Mais ce n’est pas grave, car la voilà déjà parvenue dans un de ces tunnels de circulation d’eau qui émerge à peine du sol, où un long périple va commencer pour Lô, même si elle ne le sait pas encore. Pendant longtemps, elle va couler, couler encore sans jamais s’arrêter, sans jamais se reposer.

Elle ne sait pas depuis combien de temps elle est là, à s’user sur les parois des tuyaux, peut-être quelques heures, ou quelques jours, à moins que cela ne fasse que quelques minutes ? Ne voyant plus la lumière du jour depuis longtemps, elle commence à perdre la notion du temps qui passe, il semble s’être arrêté à la seconde où elle est entrée dans cette canalisation. Mais Lô retrouve le sourire, il lui semble qu’elle aperçoit enfin le bout du tunnel ! Une lumière diffuse perce, au loin, puis elle se fait de plus en plus précise, de plus en plus nette. Oui, c’est bien cela, Lô s’approche enfin d’une source de lumière maintenant très nette ! La libération est proche, Lô est heureuse à nouveau, elle va enfin bientôt servir un de ces nobles hommes.
Peu après une sortie mouvementée, Lô reprend ses esprits, observe son nouvel environnement. Elle se trouve parmi une armée de ses compères de la ville, dans un récipient rempli d’eau. Elle jette un œil à l’extérieur, l’eau est bien claire, lui laissant tout le loisirs de découvrir au-dessus d’elle qu’elle est dans un vase, un magnifique bouquet de fleurs se trouve en son sommet. Une lueur d’espoir traverse son esprit, « peut-être que ma rose rouge magnifique se trouve parmi toutes ces jolies fleurs ? » avant d’oublier cette idée, sachant qu’il lui serait impossible d’en avoir la certitude. Durant plusieurs jours, Lô est dans un état de béatitude absolue, comblée de bonheur par la satisfaction de réaliser enfin son rêve d’autrefois, elle se trouve en ville, au service de nobles hommes.

Durant plusieurs jours, elle ne verra pas la morosité qui règne parmi ses congénères, qui semblent toutes plus tristes les unes que les autres, elle ne verra pas le changement de constitution de l’eau dont elle est un élément anonyme parmi tous les autres. Elle ne remarquera même pas l’attitude stoïque de ses fleurs, elle ne se rendra pas compte qu’elles déclinent chaque jour, perdant trop vite leurs pétales.
Mais un matin, épuisée par trop de jours et de nuits passés sans pouvoir retourner en terre pour se ressourcer, se régénérer, elle se décide enfin à ouvrir le dialogue avec ses proches voisines, espérant percer le secret de leur apparente invulnérabilité au temps. Ses voisines ne parlent pourtant toujours pas. Lô doit ouvrir les yeux de plus en plus grand pour voir l’extérieur de l’eau, et malgré tout ses fleurs lui semblent de moins en moins belles, presque dépourvues de tous leurs pétales. Elle regarde à nouveau autour d’elle, et finit par réaliser que ses yeux ne sont pas usés par la fatigue, mais plutôt bouchés par la noirceur qui s’est progressivement et insidieusement emparée de l’eau qui l’entoure, usée et fatiguée de devoir donner toute son énergie aux fleurs sans jamais se reposer, recevant en retour les dépôts de matière inerte tombés d’un bouquet dont l’immobilité et le vieillissement accéléré finissent par s’expliquer dans l’esprit de Lô : en l’absence de tout contact avec la terre nourricière qui lui manque à elle aussi, les fleurs ont fini par dépérir sans espoir de renouveau, malgré l’énergie dépensée en vain par l’eau qui n’a fait que retarder une échéance inévitable. Lô qui a connu un tout autre bonheur lorsqu’elle était encore doucement réchauffée par un soleil matinal sur sa feuille de rose, sent souffler en elle le vent de la révolte et intime l’ordre à ses plus proches congénères de lui expliquer leur passivité. Elle reçoit pour toute réaction un mécanique et ferme « Don-ne-ton-é-ner-gie-aux-fleurs,-ne-te-po-se-pas-de-ques-tions ! » prononcée par l’ensemble de ses voisines. L’ensemble de ses voisines, sauf une ; celle-ci, plus jeune, se montre plus ouverte et explique à Lô : « écoute nos congénères, nous devons donner toute notre énergie à ces fleurs pour prolonger le plaisir des nobles hommes, ensuite ils nous rendront peut-être à la terre de leur jardin, ou plus vraisemblablement retournerons-nous dans les interminables canalisations que nous avons déjà traversées pour venir jusqu’ici, jusqu’à atteindre un bassin d’eaux usées où nous serons filtrées et retraitées. C’est notre destin, et nous ne pouvons rien faire pour le changer. Toi, tu es encore pure, mais tu finiras par être comme nous toutes, asservies par l’homme et polluées par un usage abusif très lucratif pour l’inconscient qui ne voit plus la beauté de sa planète et la souille irrémédiablement, aveuglé comme nos congénères par le sens commun qui le pousse toujours plus loin, toujours plus vite. »
Effrayée par une telle vision, notre Lô se sent l’espace d’un instant envahie par de noires idées, déjà presque montée sur les rails qui mènent ses voisines sur ce chemin sans issue. Mais elle se reprend vite, et réalise que cette jeune gouttelette des villes ne sait rien de la nature qui la fait vivre, de même que ses aînées du bocal qui ont tout oublié depuis longtemps.
Lô n’a alors plus qu’une idée en tête, trouver le moyen de retourner au plus vite vers cette nature si belle et variée qui lui manque tant. Elle qui finissait presque par s’y ennuyer, elle que l’ambition de trouver mieux ailleurs avait poussé à la quitter de bon cœur, elle n’a plus qu’un espoir, celui de retrouver enfin l’environnement si paisible et si agréable qu’elle n’aurait jamais dû quitter.
Ce moyen, elle le connaît, elle sait qu’elle a la chance de pouvoir se déplacer dans les airs à volonté, pour se rendre en d’autres lieux, mais pour cela il lui faut d’abord s’évaporer au bord d’une feuille, après avoir repris son statut de gouttelette de rosée du matin. Dès le lendemain, malgré les réticences de sa nouvelle amie, elle vient se former au bord d’une des dernières feuilles du pauvre bouquet bien usé, en espérant que le soleil viendra lécher son support au travers des vitres, suffisamment pour l’évaporer dans l’air ambiant. Répondant au-delà de ses espérances, un magnifique rayon de soleil parvient à éclairer la pièce, redonnant à Lô sa forme gazeuse qui va lui permettre de retrouver la campagne d’où elle était venue, où la nature déborde d’air et d’eau purs provenant des montagnes surplombant son joli petit jardin de fleurs.

Le temps passe, et un beau matin, dans le plus charmant des jardins fleuris quelque part en pleine nature, une gouttelette de rosée du matin, bien connue en ville pour y avoir apporté malgré elle un renouveau plein d’espoir, se réveille sur la plus haute feuille de la plus belle des roses, éclairée par un soleil encore plus radieux ce jour là…


Patrice REIGNOUX


*  *  *


La fille de la terre

Une planète vivante. Une planète habitée de créatures vivantes certes, mais vivante elle-même. La nature y est magnifique. Sauvage et magnifique. Il n’y a pas de soleil auprès de cette planète, il y fait jour et chaud par le seul rayonnement interne de son noyau très actif, et très lumineux. Ce rayonnement intense, magnétique et photonique donne des reflets merveilleux au ciel, qui varient selon l’humeur de la planète et selon les reliefs de la surface, d’un bleu écarlate à un rouge-orangé aux reflets dorés, en passant par des verts irisés impressionnants donnant à chaque ville l’aspect de forêts de structures se mêlant aux zones forestières naturelles pour fusionner en un espace unique où l’on ne distingue plus les zones défigurées par l’homme des zones naturelles. Les anciens disent que ce ciel renvoie les couleurs les plus belles que l’on pouvait admirer sur l’ancienne Terre, dans l’eau, en surface, et dans le ciel, couleurs visibles grâce aux multiples manifestations plus ou moins agressives du Soleil. Pendant très longtemps, l’ancienne Terre n’avait pas conscience de sa vie, le soleil, la lune, l’univers en son entier la maintenaient en vie par de multiples interactions dont elle tirait profit pour prolonger son existence malgré toutes les agressions de ses habitants.

Notre planète, comme l’ancienne terre, est habitée de nombreux humains, dont certains, les anciens, descendent directement des habitants de cette ancestrale et légendaire planète. Les anciens sont bien étranges : ils ont, ils sont la mémoire vivante de l’ancienne terre. Dès leur conception ils sont d’un âge avancé et ont en eux la mémoire du passé très lointain, d’un passé qu’ils n’ont jamais expérimentés mais qui leur est transmis pour que les occupants de la terre n’oublient jamais ce qui a conduit à la perte de leurs ancêtres. Leur sagesse est immense, ils savent faire preuve d’une modestie et d’une humilité à toute épreuve grâce à la science infuse qu’ils ont en eux. Ils savent surtout qu’il ne doivent pas l’exploiter à leur profit, que leur profit mènerait à leur perte. Ils vivent modestement et à un rythme peu rapide, ils sont parmi les plus heureux habitants de cette planète sans pourtant chercher le moins du monde à profiter de tous les modernismes mis à la disposition de chacun par l’intelligence des hommes, souvent réquisitionnée au profit de quelques uns. Ils sont heureux. Modestes et heureux. Ils ont un très grand savoir, mais n’en tirent ni pouvoir ni profit. Là est leur secret.

D’après les anciens, notre planète a exactement l’aspect de l’ancienne terre, la technologie y est intégrée d’une manière si parfaite qu’un hypothétique visiteur venu de l’ancienne terre s’y sentirait parfaitement chez lui et ne soupçonnerait pas un seul instant le niveau de technologie développé ici. Un seul détail, ici les manifestations de la planète sont beaucoup plus visibles et plus fréquentes, notre hôte étant beaucoup plus agressive, de par sa conscience de la vie, que ne l’était l’ancienne terre. Car il y a toujours certains hommes imbus d’eux même, assoiffés de richesses et de pouvoir qui imaginent pouvoir abuser la nature et abuser d’elle, mais systématiquement elle répond par des manifestations très violentes de nature à calmer les plus folles ardeurs d’apprentis sorciers, bien vite remis à leur place s’ils comprennent le message, et encore plus vite repris par la terre s’ils s’obstinent à ne pas tenir compte des messages qu’elle leur transmet. Bien sûr, d’autre indices pourraient amener le visiteur à penser qu’il ne se trouve pas sur SA terre. Ici, de multiples créatures nouvelles ont fait leur apparition, se mêlant aux humains qui ne sont pas les seuls êtres pensants, même s’ils pensent être dominants, et aux autres animaux issus de l’ancienne terre qui doivent partager leur espace vital avec de multiples créatures que nous-même trouvons souvent étranges. Ainsi, je me souviens avoir vu un chien passant sous un arbre, ne pas avoir le temps de lever la patte avant qu’une créature invisible ne descende de l’arbre seulement trahie par le bruissement des feuilles, et fasse de cette pauvre bête un véritable festin. Celui-ci étant très visible, j’ai eu tout le loisirs d’observer ce repas si particulier de l’intérieur, car chacun des morceaux déchiquetés de l’animal suivait son chemin dans le corps de la créature invisible, et avant que ceux-ci ne soient ingérés et digérés, le processus d’assimilation de la nourriture est parfaitement observable au cœur même de la bête. Je dois dire que c’est impressionnant d’assister à un tel spectacle, sans aucun obstacle de nature à en obstruer la vue. C’est d’ailleurs la seule façon qu’on eu jusqu’à présent les scientifiques d’étudier ce genre de créatures, loin d’être unique. Même eux n’ayant jamais pu voir réellement ces animaux, ils n’ont pu que leur faire ingérer toutes sortes de nourritures et de matériaux au marquage visible à l’œil nu ou au travers d’appareils, afin de les examiner et tenter de les classifier.

Lorsqu’ils ne sont pas des anciens, les scientifiques ne font pas que décrypter la nature, ils usent de leurs talents et de leur savoir pour améliorer les techniques d’accompagnement de confort et de sécurité des formes de vie dotées de conscience. Certains humains sont si avides de ces technologies, qu’ils ne sont plus que des masses informes de graisse et d’os qui ne s’aventurent plus depuis longtemps loin de leur fauteuil centralisateur de commandes. Ceux-ci sont souvent parmi les plus riches de nos contemporains, les plus puissants aussi, ceux que l’on appelle les ‘technogras’. Pourtant personne ne souhaite les approcher, tant de peur d’être absorbé par leurs centrales biologiques de maintien de la vie par fusion de l’énergie vitale des pauvres bougres qui leurs vendent leur âme, que par dégoût de ces êtres humains devenus êtres de pouvoir et de richesse susceptibles d’être repris par la terre s’ils sortent de leur forteresse de luxe. Leur salut vient d’un usage détourné de la science, un mode de fabrication d’êtres humains à l’origine prévu pour remplacer des éléments défectueux aptes à sauver des vies, qu’ils ont adaptés à leurs besoins de reproduction afin de se créer une descendance à leur image. Car il va sans dire que les femmes ne s’approchent pas plus que les autres de ces êtres vils, et l’ancien mode de reproduction qui tend à revenir d’entre les anciennes traditions, enseignées par les anciens, ne peut que provoquer un rictus nerveux de profond rejet de la part des femmes adeptes de l’ancien et plaisant mode de reproduction, dont le processus revient à un puissant pouvoir de fusion charnelle entre deux humains de genres opposés. Ce procédé de création d’humains est encore mal compris par nos scientifiques souvent fermés aux explications des anciens, toujours est-il que le jeune humain obtenu par ce procédé se développe au sein même de la femme, tel un parasite se nourrissant des ressources de sa porteuse. Les scientifiques estiment qu’ils faut ensuite retirer au plus vite le jeune humain de son hôte afin de les maintenir tous deux en vie, puis le loger dans une chambre étanche habituellement utilisée lors des modes de reproduction traditionnels où il pourra se développer en toute sécurité.

Lorsque les technogras produisent leur descendance, il est rare que la planète ne ressente pas un profond malaise, et ne le fasse savoir énergiquement en secouant la conscience collective de toute son énergie. Je me souviens ainsi de la dernière fois que cela s’est produit dans ma zone d’habitation, j’étais avec quelques amis, sur le point d’aller me promener en forêt. Peu après être parti, nous avons rencontré un ancien, membre du grand conseil des anciens, en passant devant son jardin. Il nous a alors mis en garde d’un danger s’approchant des lieux où nous étions, il sentait un grand trouble dans la terre de son nourricier. Et effectivement, une manifestation violente était imminente : peu avant d’atteindre le transporteur de matière , génial moyen de transport commun dans nos cités, nous allions durement ressentir la douleur de l’avertissement donné par la terre à la génération d’un nouveau technogras.
Nous avons commencé à ressentir des vibrations, juste avant d’entendre un bruit assourdissant semblant remonter des entrailles de la terre. Très vite, le sol s’est fissuré sous nos pieds, chacun de nous se retrouvant sur un îlot de revêtement de sol flottant au-dessus d’un gouffre béant apparemment sans fond, et s’efforçant de maintenir un semblant d’équilibre pour ne pas tomber dans cet abîme. Rester à l’extérieur devenait très vite un risque mortel inutile, moi-même j’ai été tout proche de finir prématurément dans l’antre de la colère terrestre, n’y échappant que grâce à l’un de mes amis qui me rattrapa in extremis avant que l’on ne s’engouffre tous dans une bâtisse située tout près de là. Malgré les secousses extrêmes, nous commencions à nous sentir presque en sécurité, avant que cette construction ne cède à la pression du sol, et ne commence à glisser au-delà de son point d’ancrage en direction de l’épicentre du phénomène, sans toutefois subir le moindre dégât structurel. Heureusement pour nous tous, le bâtiment était suffisamment récent pour avoir été construit selon les normes très rigoureuses tenant justement compte de tels évènements.
Le principe de base est simple, l’immeuble principal n’a aucune fondation afin de ne pas se disloquer, il est constitué de deux ensembles monoblocs taillés dans la roche de météorite, très courante aux environs de la planète, solidement encrés au sol et reliés entre eux par une série de jointures metalliques-rocheuses fonctionnant selon le principe enseigné par les anciens permettant sur l’ancienne terre d’attacher entre eux les éléments d’un moyen de transport, le train. Ils se désolidarisent dès lors que l’un des deux blocs présente un risque sérieux de destruction ou de disparition, avant d’entraîner avec lui le second dans un éventuel chaos, et un pont magnétique se forme alors entre les deux afin de permettre la fuite de ses occupants tant que les deux parties se trouvent à la surface. Tels bâtiments sont disposés géographiquement sur des zones frontières déterminées statistiquement, de façon à ce que théoriquement les deux parties ne se trouvent jamais en péril simultanément.

La passerelle magnétique n’a cette fois pas fonctionné, répandant la panique dans le groupe. Heureusement, nous avons eu quelques minutes de répit avant que les secousses ne reprennent de plus belle, juste ce qu’il faut pour que je parvienne à sauter dans l’autre partie du bâtiment, où j’ai rapidement trouvé des perches de fortune à tendre vers les autres naufragés de l’habitation, pour leur permettre de me rejoindre en cet endroit plus sûr et les sauver d’une fin prématurée : à peine étaient-ils tous en sécurité avec moi, que l’on a pu voir la demi coque de bâtiment disparaître dans ce trou mystique et colérique ! D’autres n’ont pas eu la même chance que mes compagnons de fortune et moi-même, on a pu entendre, et voir au loin de nombreuses victimes innocentes périr dans les entrailles de la colère terrestre causée par l’apparition d’un nouveau technogras.
La coutume en de pareilles circonstances veut que les survivants célèbrent sur place leur vie prolongée en y faisant ce que l’on appelle la fête de la vie, ce que nous nous empressâmes d’improviser en dansant et festoyant à la gloire de notre planète bien aimée qui nous a épargnés pour notre force vitale féroce et intacte ! Au cours de la fête, je reçus la récompense ultime de la part de deux jeunes filles très jolies, venues à moi déposer un tendre et doux baiser de remerciement sur mes lèvres, peu habituées à de tels égards à une époque où je n’avais que peu expérimenté les méthodes de reproduction enseignées par les anciens.

Plus tard, cette expérience la plus forte que j’aie connu des manifestations terrestres va me pousser à aller interroger les anciens, dont j’ai toujours apprécié les histoires. Trouvant en moi « une force de renouveau peu commune et prophétique », ils vont finir par me raconter la vraie histoire de notre planète, fille de l’ancienne terre :
la terre fût autrefois dévastée par ses habitants, dont les plus chanceux, les plus sages, les plus visionnaires ont trouvés refuges loin d’elle, à regret mais pressentant en cela le seul moyen pour eux de survivre à la folie destructrice de leur congénères. Leurs craintes se sont matérialisées le jour où la terre a pris brutalement conscience de la vie, elle a soudain vu défiler dans son âme pure tout ce que ses hôtes lui ont fait subir depuis les temps les plus reculés. Devant tant d’effroi et de frayeur, la solution qui lui est apparue la plus immédiate était la destruction de ce monde qu’elle abritait. Elle n’a trouvé comme moyen de s’autodétruire que la plus simple des solutions : elle a cessé d’être dans l’esprit humain la mère nature, ce qu’elle avait toujours fait sans en être consciente, laissant les côtés les plus sombres de l’humanité prendre le dessus. Elle n’avait alors plus qu’à attendre que l’humanité détruise elle-même la planète qui l’hébergeait, ce qui se produisit bien plus vite qu’elle ne l’avait imaginé.
Notre terre est issue des poussières de cette ancienne terre, agglomérées au fil des millénaires pour reconstituer une nouvelle planète, consciente dès sa naissance afin de se protéger de ses hôtes, et de les protéger d’eux mêmes. Les anciens sont les descendants directs des humains alors réfugiés au-delà du système solaire, qui sont parvenus à transmettre jusqu’à nous le patrimoine animal et végétal de leur planète, ainsi que leur savoir et leur sagesse par ce biais, en conservant précieusement une trace numérique de tout cela en attendant de trouver une technologie capable de tout réintégrer dans l’être humain. Les anciens ne sont pas tout à fait des humains, ils en sont une variante capable d’accueillir tant de savoir sans en être corrompus.

Ainsi nous vivons donc selon la légende sur la fille de la terre, consciente et intelligente, puisant son intelligence et sa souveraineté dans l’inconscient des anciens, présents partout sur la planète, évitant les déséquilibres locaux pouvant menacer sa vie et participant si nécessaire à rétablir les équilibres rompus.

Patrice REIGNOUX



*  *  *


Le pays de Merlot

Au cœur d’un gros village de campagne, situé près d’une ville… mais surtout, très proche de la nature, Merlot et ses petits merles vivent dans un endroit de pur bonheur.
Les maisons des hommes sont nombreuses et rapprochées le long des quelques rues principales, recouvertes quant à ces dernières, d’un tapis noir et rugueux, par lequel l’eau de pluie ne peut rejoindre la terre qu’elle sait pourtant devoir abreuver. Mais en dehors de ces quelques zones inhospitalières et limitées, l’espace est recouvert de champs, de vignes, d’arbres et arbustes, de multiples espaces verts, autour et au milieu desquels la nature est libre d’étaler et d’offrir à la vue, sans contraintes et sans pudeur, sa beauté et sa diversité.
Par endroits, des hommes vivent paisiblement dans une maison, quelquefois une ferme, mais presque toujours accompagnée d’un immense jardin, source de nourriture pour leurs familles, et dont les petits animaux vivant à leurs côtés ne se privent pas de profiter également… Ces habitations sont reliées par des chemins de terre, merveilleusement entretenus, où pas une branche ne dépasse en bordure, pas un obstacle ne vient entraver l’écoulement paisible de l’eau dans les fossés.
Ce sont des traits d’union entre les hommes et la terre nourricière, ce sont des plaisirs simples renouvelés à chaque passage. Ils traversent avec bonheur les champs, longent les jardins, passent au travers de la forêt, où les oiseaux accueillent les passants de leurs chants joyeux et gazouillants. Un peu partout, la vie se manifeste par une présence constante et réconfortante. Les fourmis assument leurs tâches, inlassablement, ne se préoccupant pas du monde de géant qui les entoure : sous les pins, chaque monticule d’aiguilles et de matériaux ramenés par les ouvrières semble être un univers à part entière, les milliers d’habitantes s’affairent dans un vacarme à peine audible à hauteur d’oreille humaine, émanation d’une société parfaitement huilée, à l’organisation sans faille malgré l’apparent chaos qui règne en surface, au regard de yeux étrangers. Autour des colonies, le sol semble vivant, les fourmis vont au travail par centaines, à la recherche de nourriture et de matériaux pour la fourmilière. Plus près des hommes, les colonies sont plus petites, mais bien présentes, car l’homme est source de nourriture abondante pour les fourmis, comme pour de nombreux autres animaux. Ainsi, au fond d’un grand jardin, tout près d’un champ de luzerne, bordé de cerisiers, de pruniers, et pommiers, toute une population illumine l’horizon de sa joie de vivre. Dans les airs, merles, moineaux, pies se partagent l’espace tout au long de l’année ; au printemps, les mésanges et leurs couleurs magnifiques viennent se mêler à cette joyeuse communauté, alors que les tourterelles font la joie des tourtereaux. A l’arrivée des températures plus froides, l’élégant et solitaire rouge-gorge ne manque jamais de faire à son tour son apparition. Et au gré des migrations, des bandes de sansonnets, véritables petits voyous des airs, viennent généreusement se servir dans les cerisiers, privant les hommes d’une précieuse récolte, et effrayant les autres oiseaux par leur présence brève, mais envahissante. Plus près du sol, souris et mulots promènent leurs moustaches un peu partout, trop peu farouches aux yeux des hommes. Ceux-ci ont tous à leur service un chat, qui un jour est passé par là, prié de chasser ces petites bêtes en échange de nourriture appétissante et abondante, et qui ne se prive pas de profiter du lait fraîchement tiré du pis de quelque vache, et de taquiner à l’occasion quelques volatiles un peu trop téméraires. Et s’il ne se contrarie pas de la présence du chien, avec lequel il vit depuis toujours, passant parfois des après-midi entières à dormir le long de son poil si confortable, il n’en est pas de même du hérisson, avec lequel sa première rencontre, particulièrement épineuse, l’a définitivement dissuadé de s’en approcher ! Il s’interdit également toute visite au poulailler, pourtant attirant avec ces merveilleux petits poussins jaunes si tendres, à cause de ce maudit volatile de coq, dont les coups de becs puissants sont inoubliables…
Tout ce petit monde vit en parfaite harmonie, au rythme de la nature, des allers et retour du soleil et de la lune, à peine contrarié par quelques conflits ponctuels, piaillements d’une pie paniquée par l’excès de gourmandise d’un chat, ou aboiement d’un chien qui court après le facteur…

C’est dommage. Dommage que ce temps soit révolu. Aujourd’hui, le gros village de campagne est devenu banlieue de la ville située non loin. Les chemins de terre sont devenus routes goudronnées impersonnelles et surchargées. Les fossés sont remplacés par des canalisations souterraines où les rats pullulent. Les champs, jardins, forêts, potagers ont disparus, remplacés par des immeubles, forêts de béton où les oiseaux ne parviennent plus à nicher, par des parkings, centres commerciaux, habitations de plus en plus resserrées, occupées par des hommes plus nombreux, éloignés de la nature qu’ils ne savent plus respecter. Les chats et les hérissons se font écraser par les voitures trop nombreuses, les moineaux disparaissent, partant à la recherche d’un environnement moins hostile. Les fines tourterelles sont remplacées par les pigeons communs, plus gros et plus résistants, mais dont le chant est à des années lumières des douces mélodies de Merlot, inimitable artiste du ciel. Plus de place pour les poulaillers, plus de temps pour s’en occuper. Disparues les couleurs variées des feuilles vertes qui se parent d’un manteau rouge ou mordoré à l’automne, et tapissent le sol d’une douce moquette ; disparues les couleurs des champs qui dessinent une mosaïque de rouges, de jaunes, de verts et de dorures ; disparues les couleurs des herbes folles et des arbres qui se parent de fleurs multicolores. Tous remplacés par la grisaille des routes, des murs et de la pollution, qui se manifeste autant dans le ciel que sur les visages.
Apparemment, seules les fourmis sont étrangères à tous les changements survenus au-dessus de leur tête, elles continuent inlassablement de percer le sol, la moindre fissure, le moindre terrain meuble voit apparaître une colonie de petites créatures toujours aussi travailleuses, toujours aussi assidues à accomplir leur tâche, quelle que soit devenue la nature de leur environnement.

Mais en cherchant bien, les fourmis ne sont pas les seules à vivre -presque- comme par le passé. Par la grâce de certains hommes, qui veulent conserver autour d’eux un environnement tel qu’autrefois, des oasis de nature sont restés, ici un parc avec des arbres, là un jardin avec des arbustes, des haies, des plantations variées. C’est dans un de ces jardins que vit Merlot avec toute sa petite famille, un jardin si bien pourvu, que de nombreux autres animaux y ont établi leur domicile, ou l’ont décrété point de passage obligatoire. De nombreuses haies touffues permettent d’y faire son nid, certaines sont tellement peuplées qu’elles font penser à ces immeubles où s’entassent les hommes, où le moindre différend entre moineaux provoque une cacophonie digne de la pire des scènes de ménages, et où le lever du soleil s’accompagne d’un merveilleux concert à la hauteur des meilleurs virtuoses de la planète. Les oiseaux virevoltent, vont d’une branche à l’autre, ils se roulent joyeusement dans la terre sablonneuse pour éliminer les parasites qui les démangent. Ils ont à leur disposition un bac régulièrement rempli d’eau claire, où les uns se désaltèrent pendant que les autres se roulent dans l’eau, s’amusent, s’éclaboussent, se séduisent. Ils ont chacun leur style : les moineaux s’ébrouent sans ménagement, n’attendent pas que la place se libère pour s’y rendre, ils jouent comme des enfants. Les merles sont plus méthodiques, ils attendent que la place se libère pour s’y rendre à leur tour, puis font une toilette méticuleuse, du bout de la queue jusqu’en haut du bec. Les tourterelles sont très distinguées, s’approchent nonchalamment du bac, s’assurent que personne n’est auprès d’elles, puis viennent délicatement sur le bord, avant de boire une gorgée et enfin entrer dans le bac pour se mouiller les pattes et faire une petite toilette. Les sansonnets, comme à leur habitude, viennent en meute, sans aucun soin pour l’entourage ; si d’autres oiseaux sont là, ils sont chassés sans ménagement, puis ces volatiles veulent tous aller dans le bain en même temps, ils éclaboussent généreusement les abords du bac, puis quand ils repartent enfin, il ne reste généralement pas beaucoup d’eau qui n’ai été projetée tout autour.
Dans cet environnement privilégié, les animaux sont logés, blanchis, mais également nourris, car régulièrement ils trouvent boules de graisse, pain, gras de viande, fruits, etc… pour subvenir à leurs besoins. L’espace étant restreint, une hiérarchie s’est naturellement établie au fil du temps : en premier lieu, c’est souvent un chat qui vient jeter un œil à la pitance du jour. Les pies viennent ensuite, parfois si impatientes de voir le poilu à quatre pattes quitter les lieux qu’elles le harcèlent de cris aigus, sans que celui-ci n’y prête la moindre attention. Elles commencent par goûter sur place, puis si c’est à leur goût, elles empilent plusieurs morceaux dans leur grand bec afin d’amener de quoi nourrir toute la famille dans leur nid. Puis les moineaux et la famille de Merlot viennent à terre tous en même temps, Merlette ayant tendance à surveiller les environs et tenter de poursuivre tout moineau paraissant venir se servir avant elle. Mais ils ne s’en laissent pas compter… Le rouge-gorge vient quand tout le monde est parti, il n’aime pas la compagnie des autres oiseaux. Et les mésanges préfèrent en général se délecter des boules de graisses suspendues à hauteur, faisant preuve de grands talents d’acrobates pour s’accrocher dans les positions les plus invraisemblables afin d’être au plus près du cœur de la boule.

L’expansion de l’homme a réduit les populations de petites créatures sauvages si charmantes, mais dans ces oasis de vie, certaines d’entre elles, comme Merlot et sa petite famille, ont réussi à trouver un espace préservé où elles se sentent bien, relativement à l’abri de l’agressivité grisâtre qui domine partout ailleurs. Et chaque matin, un concert de louanges incomparable vient récompenser ceux qui aménagent de telles micro-réserves naturelles !

Patrice REIGNOUX


*  *  *

Le Départ.

PRELUDE

L’ombre bleutée de la montagne Ste Geneviève s’allongeait sur les coteaux des vignes, c’était l’heure incertaine qui prélude à la nuit… Le temps propice au sommeil ou à l’amour, enfin le moment paisible advenait où les corps allongés exprimaient leurs envies ou leurs désirs, le repos ou l’étreinte.
Dans le jardin mauve qui sentait le jasmin et la clématite, une très vieille dame reposait, étendue sur un transat d’un autre âge, le fauteuil immaculé que l’on aurait pu rencontrer sur le pont d’un paquebot au temps glorieux des compagnies transatlantiques.
Le jeune homme s’approcha sans bruit, timidement, dans la nature endormie régnait un silence d’église de campagne.

PREMIER ACTE
- « Fous l’camp, la mort » -

Délivrée des tourments
La dame en blanc
A uni son destin
A celui du printemps
Camarde, tu peux ranger ta faux.

Foutue mort, range ton vieil outil
Il ne tranchera jamais
Le fil d’or et de feu
De ses jours de gloire,
Admire son sourire,

Admire son passé
Se lire sur son front,
Regarde sale voleuse
Ses rêves la maintenir,
Tu peux ronger ton frein,

Tu peux grincer des os
Avec ta sale gueule,
Fouiller les souvenirs,
Fouiller, fouiller encore,
Non, tu n’apprendras rien

Non, tu ne prendras rien,
Il n’y a rien à déchirer,
Tu te fais des films
Sur la tristesse des vieux.


ACTE II
- « Le temps de la soie et du satin » -

Elle virevolte et se caresse
Dans les parfums de la tendresse
Des draps, des fleurs, des vins précieux
Sans oripeaux, elle virevolte
Elle se faufile dans des bras fous,
Abri précieux qui la rassure.
Parfois elle crie et elle se perd
Dans la chaleur des souffles lourds

Elle connaît des langages rares
Qui fredonnent des chants miellés,
Elle se love dans des regards,
Elle est tellement avide d’amour.

Insolemment, elle donne son corps,
Elle ne veut pas le gaspiller,
Elle ne se sert que d’une seule arme
Quelques baisers, sucrés salés

Éternellement dans son lit,
Elle ravive toute sa flamme,
Elle sait les désirs secrets
Entre l’ourlet de ses lèvres roses.

Impudiquement elle se donne
Elle cherche quelque peau à aimer,
Un corps chaud, des bouches tendres
Un amant pour se cacher.

Elle s’insurge devant ces bigotes
Qui n’aiment que la charité.
Elles, elles n’ont plus de corps,
Elles n’ont qu’un cœur desséché.

Elle se bat devant la morale
L’hypocrisie et la rancune
Et puis devant la misère
Devant d’autres culs mal assis.

Elle désespère devant la jeunesse
Qui renie les sens de son âge.
Elle se souvient de la tendresse
Et elle retourne à ses audaces.

Elle se dit que tout est bon,
Qu'elle s'est affranchie de la morale
Puis elle lisse du bout chaud de ses doigts
Une chaleur, une corps qui plie.

ACTE III
- « Jamais, je ne ferai le bilan » -

Sur les routes fabuleuses de ma vie,
J'ai aimé la peau des hommes,
Des p'tits câlins au matin blême
Où je lançais mon premier cri
Avant de sentir le feu en moi
De l’autre côté du soleil.

Sur les routes douces de ma vie,
J'ai connu la nuit et le sommeil,
Des lèvres qui m'ont dessiné je t'aime
Un soir où je ne pouvais dormir
Avant de sentir le chaud en moi
De l’autre côté du désir.

Sur les routes humides de ma vie,
J'ai léché des bouches impatientes.
Mes mains pétrissaient douce argile.
Je me suis rafraîchie sous des langues
Avant de chanter des chants de vie
Sur des musiques barbares.

Sur les routes chaudes de ma vie,
On m'a écouté et aimé.
Un homme m’a confié son fardeau
En me chantant son destin
Et je lui dessinerai des étés
De l’autre côté du soleil.

EPILOGUE

- Rien ne sera jamais terminé -

Habillé de nos incertitudes,
On fait l’impasse de nos amours,
On dit la vie, on dit le temps
Quand on aime qui est le plus fou
Et moi, je vis.

Mais pourquoi t’écrire ?
Ce que tu sais déjà,
Tous les mots de mon stylo
Ne suffiront pas
Croire en toi
Mais laisse-moi te murmurer

Etonnée par le jour qui tombe
De ton ombre, je porte la couleur.
On donnait le temps, on donnait l’heure.
Tu es dans le chant des oiseaux,
Le vent sait cela…
Et moi je suis là.

Mais pourquoi t’écrire,
Noircir les pages de mon carnet ?
J’aimerai encore te donner l’heure,
Croire en toi,
Laisse-moi te murmurer

Mais pourquoi t’écrire
Ce que tu sais déjà ?
J’aimerais garder encore le chant des oiseaux,
Croire en toi
Mais laisse-moi te murmurer
En amour on n’a jamais fini,
On sait tout,
On sait rien…

Jamais, je ne ferai de bilan….
Rien ne sera jamais terminé…

La nuit était maintenant complètement tombée sur le jardin, la montagne sur l’horizon se devinait, mauve sur rouge, sur bleu, sur rose… Merci monsieur Cézanne, merci…
La vieille dame respirait doucement, le jeune homme attendri la regardait sommeiller, il allait partir, il était temps, d’un revers de la main, il l’effleura comme l’on effleure une rose à jamais fleurie… Il savait, oui, il avait désormais la certitude qu’un tel bonheur ne pouvait pas disparaître, elle vivrait à jamais dans ce jardin provençal, dans l’odeur des olives et des romarins… Loin du bruit et de l’éclat des villes et des vacances programmées…
Il pouvait s’éloigner dans l’ombre de la montagne… 


Pascal 9

 

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